_____________ HENRI DELAUNAY PILOTE __________
Ma Vie par Lucie Delaunay, mère d'Henri
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On me déclara "née de parents inconnus" …

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978


MES MEMOIRES

Il faut que je dise tout de suite que j'ai pardonné à ma mère de m'avoir [désavouée]; elle devint ma "marraine" et comme telle, fut toujours très bonne pour moi. Aussi l'ai-je bien aimée.

Ma vie fut ordinaire, sans grandes richesses, sans grand chagrin, sans grandes joies si ce n'est d'avoir eu deux enfants adorables et un mari, ma foi... supportable!

Je suis maintenant très âgée pour commencer mes mémoires. J'aime écrire. Cela me rappelle tous les moments de cette vie que je voudrais bien être obligée de recommencer, au lieu de la perspective de mourir. Voilà: je suis née le 10 février 1881 à Nice, Boulevard de la Gare, chez une dame Planta, sage-femme. Son mari était établi dans la maison, au rez-de-chaussée; il était quincailler. C'étaient de braves gens. Ma mère, qui était venue avec ses deux grands enfants, un garçon et une fille, avait dû les mettre en pension, bien à regret, pendant son accouchement.

En ce temps-là, être mère en dehors du mariage, c'était une chose impensable. Il faisait beau ce jour-là et, dans un pays tellement merveilleux, on ne pouvait pas naître dans un plus bel endroit. C'était un cadeau pour moi. Je n'avais que celui-là: on me déclara "née de parents inconnus", avant de m'expédier en nourrice à Vintimille, en Italie. On me baptisa. Ma mère fut ma marraine; et mon parrain fut Monsieur Planta. Je fus déclarée "Lucie, Antoinette". J'ai su, plus tard naturellement, que mon père était marié, qu'il avait des enfants légitimes et s'appelait Antoine. Il est mort, j'étais toute petite; et c'est pour cela que je pris le nom d'Antoinette.

Et si je me nomme Lucie, c'est que ma "Marraine" avait par miracle échappé au grand incendie de l'Opéra de Nice: sans ma venue au monde, ce jour-là, elle serait allée voir jouer "Lucie de Lammermoor", ayant [déjà] des billets. Voyez: c'est moi qui l'ai sauvée! Heureusement car elle serait morte dans cet incendie où l'on n'a sauvé personne (1-1↓ ) ... et je ne pourrais pas exister[!] Je n'aurais rien connu de toutes ces jolies choses qui m'ont fait aimer la vie. J'ai tout aimé. J'ai le cœur grand. Pourtant j'ai eu des passages, dans ma vie, comment dirais-je?... un peu froids. J'ai pu les combattre facilement, ne connaissant pas autre chose.

Je n’ai pas pu pâtir en nourrice puisque je suis encore là. Marraine était venue me voir à Vintimille. Elle m’apportait une jolie robe en broderie qu’elle a vite remballée et rapportée à Paris quand elle m’a trouvée si sale, devant un plat de lentilles qui me barbouillait de la tête aux pieds, pendant que tous, dans la maison, jouaient de l’accordéon. Je n’y suis pas restée longtemps, du reste: jusquà trois ans.

Madame Planta, que j’ai par la suitte appelée: “Maman Planta”, oui, cette pauvre Maman Planta eut le malheur de perdre son mari. Elle liquida son cabinet d’accoucheuse, la boutique de son mari, et s’en fut vivre avec sa sœur dans le Cher, à Vierzon. Exactement, sa sœur vivait avec son fils qui venait de perdre sa femme [...] accouchant de son deuxième enfant. Deux filles: Augustine et Clairette. Naturellement, elle me ramena avec elle. Mais le vieux Papa Journeau (oui, c’était la famille Journeau) ne voulut à aucun prix me garder.

Force fut donc à Maman Planta de me ramener à Paris chez ma Marraine qui venait de marier sa fille. Elle habitait rue du Bac. J’ai dit que j’aimais tout. Ah! non! par exemple! Car je n’ai pas aimé ce petit logement noir après le si grand soleil d’Italie. Et je passais mes journées à pleurer sans vouloir manger. Je n’en était pas moins très joufflue. Je n’avais jamais été malade. C’est ça, justement: [serais-je] disparue de la circulation, tout serait rentré dans l’ordre. (1-2↓ ) 

Mais non: il y a un bon Dieu pour les enfants de l’amour. Après tout, ce n’est pas de leur faute s’ils sont nés.
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 Notes de section 1:   ( Sauter les notes de section 1 )
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1-1.- ↑ On voit qu'il y a là une grosse équivoque sur la date de naissance ou du baptême… Lucie prétend être née le 10 février 1881 à Nice; mais le site consulté ci-dessous donne pour date de l'incendie: le mercredi 23 mars 1881 (7 semaines plus tard) ! Légende familiale? Déclaration tardive? Nb: Wikipedia confirme la date: "Au cours du Second Empire, il s’appelle le Théâtre impérial. En 1871, il devient Théâtre municipal, et le 23 mars 1881, un incendie le détruit entièrement alors qu'est donnée une représentation de Lucie de Lammermoor. Cette catastrophe fait deux cents victimes à qui l'on consacre un monument en forme de pyramide à l'entrée du cimetière du château" sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ra_de_Nice. [220413 - Nb CJ: http://www.opera-nice.org/francais/historique/historique.php ] Conclusion: notons que cette petite légende comporte un détail qui incite à lui donner une certaine réalité: la proximité des dates et la représentation de "Lucie de Lammermoor", "un opéra en trois actes de Gaetano Donizetti, sur un livret en italien de Salvadore Cammarano, d'après le roman "La Fiancée de Lammermoor" de Walter Scott." (Wikipédia). On pourrait interpréter, simplement, ce sauvetage providentiel, par l'obligation, pour la mère, de rester tranquille (voire d'allaiter son bébé ?) dans les semaines qui ont suivi l'accouchement, l'obligeant à sacrifier ses loisirs. Ou bien, une recherche dans les registres paroissiaux permettrait-elle peut-être de constater que le 23 mars 1881 correspondrait au baptême de Lucie Helvert… Pardon, pour l'instant, c'est Lucie-sans-Nom. Helvert, ce sera plus tard…

1-2.-↑ « …serais-je disparue de la circulation que tout serait rentré dans l’ordre !» Lucie ne croit pas si bien dire. Les conditions de la déclaration d'une naissance devant l'officier d'état civil ont évolué depuis la Révolution. Pendant longtemps, seul le mari pouvait déclarer et reconnaître l'enfant. Là se trouve peut-être le problème de l'incohérence entre la date de naissance de Lucie (sans patronyme à l'époque: une "enfant sans nom"…) et l'incendie de Lucie de Lammermoor. La façon dont les enfants abandonnés ont été traités pendant des siècles a changé. De la simple "exposition" du bébé sur un fumier au temps des Grecs ou des Romains, ont était venu à la pratique du "tour". Wikipedia: « Les tours d'abandon ont existé sous une forme ou sous une autre depuis des siècles. Le système était assez courant au Moyen Âge en Europe. En Italie on trouve les premiers ruote dei trovatelli (« roues pour enfants trouvés ») en 1198 ; le pape Innocent III déclare qu'ils doivent être installés dans les orphelinats pour que les femmes puissent y laisser leurs enfants et non les tuer. (…) En France, Saint Vincent de Paul fait aménager le premier tour à Paris en 1638. Ils sont légalisés par un décret impérial du 19 janvier 1811, et à leur apogée ils étaient au nombre de 251 dans toute la France. On en trouvait dans les hôpitaux, dont l'Hôpital des Enfants-Trouvés de Paris. Un mouvement favorable à leur suppression se développe dans les années 1830. Le nombre d'enfants abandonnés se comptant en dizaines de milliers chaque année, les tours d'abandon sont fermés en 1863 et remplacés par des « bureaux d'admission » où les mères pouvaient laisser leurs enfants de manière anonyme tout en recevant des conseils. Les tours d'abandon furent abolis par la loi du 27 juin 1904. Les femmes conservent le droit d'accoucher anonymement dans les hôpitaux et d'y laisser leur bébé (« accouchement sous X »). » cf: Les tours d'abandon
On constate que l'accouchement anonyme date de 1904 (Lucie avait déjà 23 ans !). Par ailleurs, comme l'explique le texte émanant de l'instance universitaire Persée (dont extrait ci-dessous), la surmortalité des enfants abandonnés recueillis a toujours été importante:

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ww.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1977_num_32_6_16655#
Enfants trouvés, reconnus, légitimés, Les statistiques de la filiation en France, aux XIXe et XXe siècles
Monique Maksud et Alfred Nizard
Extrait:
"Vue d'ensemble et conclusion. l'enfant naturel est une catégorie juridique née avec la civilisation industrielle et urbaine : moins de 2 % des naissances en 1750, 5 % en 1800, près de 9 % de 1890 à 1914. La seconde guerre mondiale survient alors que les naissances illégitimes sont en déclin. Leur proportion est de 6 % en 1938-1939, proportion retrouvée de 1955 à 1968 après la disparition des effets de la guerre. La croissance reprend à la fin des années 1960; elle porte les naissances illégitimes à la hauteur des années 1890-1914 en 1973-1975.
À l'égard de ces enfants, la société — ou, du moins, sa classe dirigeante — a eu successivement deux attitudes :
— la première, inscrite dans le Code civil napoléonien, consiste à les maintenir « hors les murs », à organiser la vie familiale et sociale comme s'ils n'existaient pas (41).
— la seconde, esquissée par la réforme de 1972, consiste tout simplement à faire disparaître cette catégorie juridique, non plus en niant tout droit à ses membres, mais en supprimant les fondements de sa distinction : dans cette perspective, la loi reconnaît les divers modèles familiaux sans en privilégier aucun.
Entre ces deux attitudes séparées par près de deux siècles, l'enfant naturel a progressivement émergé du non-être à l'être dans le monde des adultes (et dans la statistique). Retraçons rapidement cette marche en évoquant le devenir de 100 enfants naturels à différentes époques, d'après les statistiques d'état civil et de l'assistance publique. Au début du XIXe siècle, 40 enfants étaient abandonnés, dont 25 dans un lieu public, avant même la déclaration de naissance. Avant le 1er anniversaire, sans doute 45 décédaient (près des deux-tiers parmi les enfants trouvés ou abandonnés).
Vers 1850, près de 60 enfants naissaient de parents inconnus (non dénommés dans l'acte de naissance), mais seulement 15 étaient abandonnés dans un lieu public avant la déclaration de naissance (10 abandons postérieurs, soit 25 au total). Avant le 1er anniversaire, 35 mouraient. Dix enfants étaient reconnus par leur père à la naissance, sans doute 15 autres postérieurement. Près de 20 enfants sont légitimés (1 enfant survivant sur 3).
Vers 1900, le nombre d'enfants trouvés sans acte de naissance descendait assez bas (moins d'un enfant) mais 15 enfants étaient néanmoins abandonnés. Avant le 1er anniversaire, 25 décédaient. Dix-sept enfants étaient reconnus par leur père à la naissance, sans doute 30 postérieurement. Vingt-sept enfants étaient légitimés (près d'un survivant sur 2). En 1971, 2 ou 3 enfants sont abandonnés (abandons physiques). Avant le 1er anniversaire, 2 enfants décèdent, mais la mortalité infantile des enfants naturels reste de 70 % supérieure à celle des enfants légitimes. Sans doute 75 enfants sont ou seront reconnus par le père (dont 23 à la naissance) et 55 sont ou seront légitimés.
La réforme de 1972 augmentera la proportion d'enfants reconnus. La proportion denfants légitimés augmentera également, non pas tant par mariage des parents mais par autorité de justice (1 enfant ainsi légitimé en 1973). Depuis la réforme de 1972, les difficultés d'observation statistique des enfants naturels se sont aggravées : la filiation n'est plus déterminée par le seul état matrimonial de la mère; les actes de reconnaissance ne se rapportent plus aux seuls enfants naturels d'après l'acte de naissance. Le renouvellement des actes de reconnaissance persévérera. Ces obstacles peuvent être surmontés en rapprochant le bulletin de reconnaissance du bulletin de naissance. En suivant dès la naissance un échantillon d'enfants naturels et en y rapportant les faits d'état civil les concernant, il serait possible non seulement d'avoir une vision précise du devenir de ces enfants, mais encore de mesurer les biais qui affectent les statistiques de filiation. Souhaitons qu'une telle étude soit prochainement faite par l'INSEE.
Monique Maksud et Alfred Nizard"
Fin de l'Extrait


« Serais-je disparue de la circulation que tout serait rentré dans l’ordre !»
Lucie Sans-Nom

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Ô souvenir de mes chers parents d’adoption !

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978
Ma Marraine, très patiente, m'avait emmenée promener au Luxembourg. Je venais d'atteindre mes quatre ans. Je me vois très bien: j'avais un manteau de velours grenat avec la petite capote assortie. En arrivant à la porte de ce si beau jardin qu'est le Luxembourg, je n'ai pas voulu entrer, et je n'arrêtais pas de dire: « Il y a des loups dans la forêt! ». De guerre lasse, Marraine cède et nous voilà reparties. Justement, ce jour-là, le Boulevard Saint-Michel était en effervescence. Les étudiants arrêtaient les fiacres et exigeaient que les cochers crient: « Vive Boulanger! ». Ils étaient beaucoup et n'arrêtaient pas de chanter:
"C'est Boulanger, Boulanger, Boulanger,"
"C'est Boulanger qu'il nous faut! Oh! Oh! Oh! Oh!"

Je vous assure que, dans ma petite tête, j'avais emmagasiné car je [me le] rappelle très bien. Ce que je me rappelle aussi, c'est [une] grande et belle poupée assise dans le salon de ce petit appartement noir de la rue du Bac. Elle était assise sur une chaise et je n’arrêtais pas de la regarder. Pensez que je n’avais jamais eu un joujou et je me demandais si [cette poupée était vivante]. Bref! j’ai su plus tard que cette poupée m’avait été offerte par mon père (2-*↓ )  que je n’ai jamais connu. A neuf ans, on me l’a donnée et je l’ai encore: elle s’appelle Yvonne. Elle a de vrais cils et je l’ai rhabillée bien souvent.

Pour en revenir à mon séjour rue du Bac, je n'allais pas pour autant devenir parisienne; et Marraine me ramena chez Maman Planta qui n’avait guère le temps de s’occuper de moi. Avec sa sœur, elles avaient en commun acheté un grand terrain et faisaient bâtir une maison, à Vierzon, rue des Epinettes. Les plans étaient prêts: en arrivant, on m’emmena avec Augustine, qui avait mon âge, poser la première pierre de cette maison. Ensuite, eh bien! ma foi! ensuite on me mena en pension dans cette même ville de Vierzon, rue de l’Annonciation, chez deux vieilles demoiselles qui tenaient une école mais pas de pensionnaires: je fus la seule. La directrice, l’une des sœurs, s’appelait “Mademoiselle Henriette”. Je couchais avec l’autre, dans une toute petite chambre où le lit n’était pas très large. On y ajouta, après, un lit de camp pour moi. Je n’étais pas malheureuse: elles étaient sévères mais pas méchantes. Près d’elles, j’ai appris à me contenter de tout; à n'être pas gâtée. La moindre des choses me paraissait une merveille: j’ai eu, dans cette maison, juste une petite poupée en son avec une natte. Elle avait huit centimètres de longueur, ce qui me permettait de l’emmener, cachée dans mon manchon, tous les dimanches avec moi à la messe.

Pour aller à l’église le matin, j’ai dû attendre d’avoir six ans. Avant, je n’allais qu’aux vêpres, l’après-midi; ensuite, toute l’école, deux par deux, nous faisions une promenade à “l’Assemblée” qui se trouvait à l’entrée de la forêt. Lorsque, par hasard, la grand mère Journeau me donnait un sou, j’étais fière de pouvoir acheter un réglisse ou du cotignac.

Souvent, avant la promenade, toute l’école en rang gagnait la rue des Epinettes pour voir le beau jardin rempli de fleurs car, au bout de quelques années, le jardin de grand mère Journeau et Maman Planta était devenu le plus beau de Vierzon. La Maman Planta qui savait si bien mettre les enfants au monde savait aussi faire pousser les fleurs. Ayant habité la Côte d’Azur, [elle] ne pouvait plus se passer d’avoir des orangers en caisses qu’on rentrait l’hiver au sous-sol. Elle avait aussi fait venir un palmier, et au bout de vingt ans, le palmier vivait encore.

La grand mère, pour élever ses filles, s’était mise à travailler. Elle avait un atelier de mouchoirs qu’elle faisait faire à jour par une douzaine d’ouvrières. Toute la journée, elle coupait, déchirait de la mousseline rose, mauve... Elle en a fait ! Tout pour Paris. Et tous les soirs, le Vieux Papa ( qui n’était pas vieux mais nous ne l’avons jamais appelé autrement: il avait eu beaucoup de peine [en perdant] sa femme et était devenu un peu simple d’esprit, mais très gentil malgré cela ), il allait à la gare porter les paquets de mouchoirs. Et la Maman Planta s’occupait des voyages à Paris pour aller placer ses mouchoirs dans le quartier du Sentier. Ils vivaient très heureux. Les deux filles grandissaient et je les voyais tous les jours. Elles venaient dans ma pension. Externes, naturellement. Et moi j’allais chez elles [durant] mes deux mois de vacances.

A travers tous les souvenirs de ma vie, ce fut le plus heureux. Ô ces vacances qui ne s’effaceront jamais de ma mémoire ! Ô ces journées miraculeuses ! Quelles vacances du bon Dieu j’ai passées là ! Maintenant, je regrette de les avoir délaissées, beaucoup délaissées à cause de cette vie loin d’elles ! Et les mariages ! Et les enfants ! Cette vie qui n’est plus la même: ô les souvenirs de mes chers parents d’adoption, ils sont gravés dans mon cœur ! Mes bonnes petites amies !

Pour parler “mouchoirs”, l’atelier de la grand mère avait, pour l’exposition de 1900, fait des merveilles de broderie pour des exposants qui lui en avaient -après la fermeture- donné deux, à jours, de huit centimètres, tout le tour en fine batiste, avec valencienne véritable. On m’en a donné un, de ces deux mouchoirs si jolis, le jour de mon mariage, il y a soixante ans de cela; je l’ai toujours aussi beau que le premier jour. J’ai pu le sauver [de] la débâcle de la dernière guerre, [en juin] 40. Pourtant, j’en ai tant perdu des choses merveilleuses que mon fils m’apportait de toutes les parties du monde...

Nous nous adorions toutes les trois et la grand mère nous appelait: “les filles”. [Elle] nous disait: « Soyez sages, les filles! ». Il y avait Augustine: c’était “Tintin”; il y avait Claire: c’était “Clairette” et moi, Lucie, j’étais “La Sisse” (2-1↓ ) . Pendant les vacances, je couchais avec Augustine. Nous avions le même âge. Le soir, nous ne nous mettions jamais à table; aussitôt la fermière passée, on nous; remplissait des grands bols de lait; un gros morceau de pain, et nous mangions assises sur les marches du perron avec ses marches de chaque côté.

Le dimanche, grand mère Journeau qui n’avait pas ses ouvrières faisait une grande galette carrée [d’]un mètre sur un mètre qu’elle mettait cuire dans le four du boulanger avec des poires au milieu. Nous en avions chacune un énorme morceau et quel régal! C’était notre déjeûner du dimanche.

Il y avait un très grand jardin potager qui allait en descendant jusqu’à un ruisseau où la porte était fermée. Avec la complicité du “Vieux”, on pouvait quelquefois sortir pour barboter et ramasser les noix de l’arbre qui était dans notre potager. On y trouvait de jolies pierres et nous faisions des rochers. Quand c’était le moment venu -je veux dire “dans la saison”- nous partions le matin avec “Vieux” ramasser les pêches, dans leur campagne. Elles étaient bonnes. On emportait la grande brouette.

Nous avions, en face de la maison, pas très loin, une espèce de petite colline. Le chemin de fer qui passait, c’était le chemin pour aller à Toulouse et en Auvergne. Nous avions pris une habitude. Nous connaissions les heures [pour] venir saluer le chauffeur du train, le chef, le cuisinier et le plus jeune qui nous envoyait des baisers. Le train venait de quitter la gare; il allait doucement. Après tout: le chauffeur le faisait peut-être exprès? Pour mieux les voir, nous montions au premier où il y avait un balcon.

Cette maison était très grande. Après avoir monté le grand perron, il y avait une très grande entrée, jusqu’au fond, où se trouvait l’escalier pour aller aux chambres. L’escalier était éclairé par une immense fenêtre et les carreaux étaient de toutes les couleurs. Le grand couloir desservait, à gauche, le salon, avec tapis; et je me souviens des petites chaises dorées qui faisaient de la musique en s’asseyant dessus. Nous n’avons eu le droit d’y rentrer que plus tard, vers dix-huit ans. A ce moment là, il n’y avait ni phono, ni cinéma, ni tourne-disque. Aussi avions-nous toutes les trois appris le piano.

Mais revenons chez Madame Henriette, à la pension où tout était si maussade. Il y avait, tout de même, un jour dans l’année qui éclairait un peu tous les autres. Ce jour-là, c’était la Sainte Henriette. Au 14 juillet, nous sortions tous les bancs de l’école, nous les mettions tout autour de la cour qui était très grande. Au milieu, la table et une chaise pour asseoir la directrice qui se mettait en grande toilette. Robe noire avec du jais. Je la vois encore faisant son discours. Toutes les élèves, sans exception, apportaient un pot de fleurs et c’était un tableau, vraiment joli. Toutes les robes claires, assises sur les bancs et devant elles un pot de marguerites, de fushias, de roses, des lis, des pétunias, du jasmin, de la verveine. Il y en avait bien deux cents. Pensez si j’avais hâte que ça finisse  Car, tout le monde parti, j’aidais à ranger toutes ces merveilles sur les estrades, sous les fenêtres des classes.

A Vierzon, c’est un pays où il fait très bon: des étés sans nuages; où tout pousse, encore mieux qu’ailleurs (2-2↓ ) . Comme toutes ces fleurs donnaient de la gaîté à notre vieille bâtisse, à ma prison, quoi... ! Enfin, cette école se trouvait dans une petite rue très courte. En face, l’entrée d’une usine de porcelaine. La rue tournait et descendait au fleuve le “Cher”. J’ai connu cette descente parce qu’une nuit, le feu avait pris à la fabrique. Vite, on m’avait habillée avec ce que j’avais de plus beau: mon manteau, mon chapeau. On voyait déjà les flammes et nous avons eu très peur. Tous les braves gens du pays faisaient la queue avec des seaux d’eau pour éteindre l’incendie. Et dire que j’étais restée neuf ans cloîtrée sans même connaître le bout de la rue! Le commencement, bien sûr, je le voyais tous les dimanches; nous tournions à droite pour gagner l’église: c’était la grande rue. A gauche, ça menait à la gare. Un jour de grande fête, on y avait construit une tour Eiffel en bois. Les quatre pieds reposaient sur les trottoirs. J’étais émerveillée, ne connaissant pas du tout celle de Paris. Pourtant, je devais la connaître plus tôt que je n’aurais crû…



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 Notes de section 2:   ( Sauter les notes de section 2 )
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2-*.-↑ Antoine Fouré, violoniste dans un grand orchestre parisien; le beau-frère du boulanger Nestor Rugel de la rue Stephenson (explications note 3-2) (QR:19/20 souv.fam.); musicien peut-être de l'Opéra ou de l'Opéra Comique (QR: 10/20 souv.fam.).

2-1.- ↑ Dans une lettre du 3 novembre 1900 (FSDJ: LD02-BH1) sous-forme d'une carte postale, Lucien Dousset écrit à Lucie Helvert, chez Mme Journeaux, 13, rue des Epinettes à Vierzon (Cher); il lui parle de "La cueillette des cerises" et joint un poème de 6 vers à sa "chère Cisse"; laquelle a 19 ans. L'orthographe de l'hypocoristique diffère.

2-2.-↑ Lucie Delaunay, la mère du pilote, était ma grand mère. Toute la vie, elle m'a bercé de ses histoires de prime enfance et notamment de son séjour à Vierzon. Lors de mon voyage en scooter Lambretta, avec Michel L., le "Vespa", vers Tarbes, elle m'avait obligé à m'arrêter à Vierzon, 13, rue des Epinettes, pour prendre des photos. Je suis étonné qu'elle n'ait pas consigné dans cette partie de son récit, un détail qui m'est resté: les loups. Dans sa "prison", chez Madame Henriette, elle tremblait la nuit, sur son "lit de camp", car on entendait encore, à cette époque, hurler les loups dans la proche forêt de Vierzon. Et l'on se souvient qu'à l'âge de quatre ans, elle refusa d'entrer au jardin du Luxembourg, à Paris, en disant: « Il y a des loups dans la forêt! » (Par Christian Jodon, créateur du site) .


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Lucie, Parisienne au temps de Caillebotte(3-1↓ )

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978


Remarquez les "Liens" en bleu clair et double-cliquez dessus pour "voyager dans le Paris d'Haussmann"
Nous étions en 1889 et c’était l’année de l’Exposition universelle à Paris. Ce fut aussi, pour moi, l’envolée de l’espace libre, enfin! Marraine avait eu l’idée de me prendre pendant les vacances pour me faire connaître la capitale; et c’était mon rêve depuis longtemps. Elle habitait rue de Cléry, à deux pas des grands boulevards. Elle avait installé son fils Georges (3-2↓ )  en boutique: encadreur, vente de glaces, de tableaux, etc... Son fils venait de finir son service militaire. Il était charmant, très léger -par exemple!- très gâté. Marraine, qui avait de quoi vivre largement, n’avait jamais rien refusé à son grand garçon. Elle en a vu, je crois, de toutes les couleurs  Il venait justement d’acquérir un vélocipède, un des premiers. Il me mettait sur son guidon et “Allez donc!” jusqu’à la Bastille. Heureusement, il n’y avait pas beaucoup de voitures: Madeleine-Bastille à chevaux et quelques fiacres. On ne risquait pas grand chose!

Georges m’avait prise en affection: « Elle n’est pas bête, cette gamine; nous devrions la garder! » Et quand les vacances furent finies, ça y était: “Adieu la pension !”; et comme je l’aimais, ce Georges qui avait voulu me garder ! Je faisais tout pour lui plaire. J’allais, en cachette, porter, sous la Porte Saint Denis, tous les petits mots doux ou les rendez-vous avec ses connaissances. Je lui faisais ses commissions et, pour neuf ans, je n’étais pas en retard. J’étais même assez savante. Pensez donc! J’avais eu le temps, n’ayant fait que cela du soir au matin, chez Madame Henriette: je connaissais mes départements et chefs-lieux par cœur. On nous avait promis une chaîne et une croix d’argent à celles qui les [sauraient] sans faute. Je les ai sus... mais je n’ai jamais eu le cadeau !Pensez ! pour moi ! J’étais de la maison ! Personne pour trouver à redire ! [C’était] comme au prix: les autres partaient avec une pile de livres -c’était comme ça, dans le temps- mais, pour moi, je n’avais rien; et le plus fort, c’est que je trouvais ça naturel ! C’est plus tard que j’ai trouvé à redire... Et après tout, cela m’a bien servi. Pour la géographie, j’étais déjà très calée; et je commençais à jouer du piano. J’en ai fait des gammes en pension: des heures et des heures [durant] ! Le piano était dans le salon; ce qui me plaisait beaucoup. Grâce à lui, je pouvais y entrer. Avec ces demoiselles, je ne suis guère allée, au piano, que jusqu’à la “Méthode Carpentier”. Je pense qu’elles ne devaient pas en connaître davantage. Malgré tout, j’étais bien partie, aimant beaucoup la musique. Avec mes grands doigts longs, je devais devenir une pianiste encore assez présentable, ce qui m’a permis de pouvoir déchiffrer toutes les partitions des opérettes que, dans ma jeunesse, j’allais voir jouer.

Enfin, restant à Paris, on me mit à la Communale, rue de la Lune. Dans la petite boutique de la rue de Cléry, il n’y avait pas beaucoup de place. Une petite cuisine, et, au-dessus, une unique chambre où couchait le fils. Marraine avait gardé, en attendant, son logement de la rue de l’Université, un chic logement au cinquième étage, avec des tapis cloués dans l’escalier, où il était interdit de passer avec des paquets et une tenue négligée. On devait alors prendre l’escalier de service. Il y avait, à tous les étages, des députés... que sais-je ? peut-être des ministres. Nous allions tous les jours y coucher; nous faisions le trajet à pied. Je me souviens d’un hiver très froid où je devais, très tôt, faire ce chemin pour être à l’heure à l’école. J’avais pourtant de bonnes chaussures fourrées; mes pieds gelés me portaient au [cœur]; je pleurais: pensez  j’avais dix ans. Il fallait traverser le pont sur la Seine et tout le Palais Royal. Marraine venait plus tard, heureusement pour elle. Enfin, l’été revint et nous eûmes la chance de trouver un logement juste en face de la boutique de la rue de Cléry, avec une grande chambre et un cabinet de débarras, très noir, où il y avait, presque jusqu’au plafond mais sur le côté du mur, trois grands carreaux que Georges enleva pour me donner de l’air. Mais, pour avoir de l’air, il avait monté une espèce de lit en [hauteur] sur des escabeaux. C’était rigolo; et toute gamine que j’étais, je pensais qu’il aurait été plus simple de me mettre un lit dans la chambre [de] Marraine. Mais Georges était un bricoleur. Il “fallait” qu’il bricole. Quelquefois, c’était très bien; mais là, j’en ris encore. Quand j’y pense ! En ce temps-là, Marraine trouvait que c’était une idée extraordinaire. Oui, sûrement ! Et moi, j’étais subjuguée d’avance...

Alors, on se débarrassa de la rue de l’Université. On quitta nos petites souris apprivoisées qui venaient manger avec nous dans la petite cuisine où, tous les soirs, les vendeurs du magasin de dragées qu’il y avait en bas venaient nous en apporter et nous régaler aussi de leur gaîté et de leur jeunesse; et je ne revis jamais plus [Monseigneur], avec sa robe noire et son grand chapeau, venir m’écouter jouer les petits morceaux de la méthode Carpentier. Il habitait au premier et c’était très chic de fréquenter Monseigneur ! C’est drôle ! J’ai eu plus de peine de quitter Monseigneur que mes deux maîtresses de Vierzon. Quand il arrivait, je lui offrais mes dragées et je me mettais sans rechigner au piano. Marraine m’avait acheté un petit bracelet en or et après, une bague si jolie que, durant des années, à mesure que je grandissais, nous la faisions [agrandir]. Pour qu’elle ne soit pas perdue, elle me l’avait fait réunir ensemble sur la main au bracelet par une chaînette en or. Et cela plaisait énormément à Monseigneur qui n’en revenait pas des bonnes idées de Marraine. J’ai [donc dû] le quitter, ce brave homme, et aussi bien souvent, mon bracelet pensez donc !

[À] l’école communale, on ne m’a jamais appelée par mon petit nom. Ah ! j’ai eu du mal à m’y faire. Hélas ! Ce n’était pas fini car ici se place un gros chagrin pour moi. Ces Messieurs les Députés votèrent une loi pour ce que “tous les enfants nés de parents inconnus devraient, à l’avenir, porter un nom, un grand nom” (3-3↓ ) . Jusque là, on m’avait appelée Lucie Planta, comme la Maman Planta. Ils n’avaient pas d’enfant. Monsieur Planta était mon parrain. Ils ne s’en apercevaient même pas. Mai moi, en classe, partout, je signais “Planta”. Et voilà qu’à l’avenir je devrais m’appeler Helvert; oui! c’est de ce nom-là dont on me fit cadeau eh bien ! joli cadeau … Impossible de me mettre ça dans la tête. Aussi ma maîtresse me [jugea-t-elle] un peu idiote. Elle n’arrêtait pas de me gronder... [disant] que dans sa classe elle n’avait jamais eu une élève aussi bête ! Et pourtant, je vous assure que j’étais beaucoup plus savante que toutes ses élèves. Du reste, j’ai eu de bonne heure mon certificat d’études.

Je continuais mon piano à la mairie du 2ème arrondissement, au cours du soir. J’ai eu, il y a des [lustres] ! comme maître, Debussy (3-4↓ )  qui habitait près de la Mairie. Il m’avait fait apprendre une berceuse. Je la savais par cœur. Eh bien ! avec tous les complexes que j’avais hérités de ma maîtresse d’école -et qui m’ont suivi très longtemps- je devais concourir, au piano, avec ma berceuse que je savais très bien, devant une salle comble, sous les yeux de monsieur le Maire. Arrivée au piano, je ne voyais plus les touches; trois fois, on m’a ramenée. J’étais comme vivante mais endormie. Et tout ça, c’était [dû à] ma maîtresse qui m’avait dit que j’étais folle et que je n’arriverais à rien. C’est ma pauvre Marraine qui avait de la peine ! Elle m’avait habillée de bleu ciel, frisée avec des boucles qui ne tenaient pas du tout -j’ai toujours eu des cheveux “impossibles”: ils étaient trop fins. Pourtant, ma bonne Marraine les aimait. Elle me disait: « C’est les mêmes que les miens, couleur châtaigne! » Heureusement que je ne suis pas restée dans la classe de cette maîtresse ! Aussi [étais-je] bien sotte de ne pas lui avoir expliqué. Non ! Parce que lorsqu’au lieu de mettre Helvert sur mon cahier je mettais “Planta”, eh bien j’étais en colère [contre] moi, me reprochant de me tromper tout le temps. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que ce n’était pas de ma faute...

Heureusement qu’au fond de ma petite personne qui paraissait toujours plus âgée, étant très grande pour mon âge, je savais bien des choses que j’avais apprises dans ma "prison". Je ne devrais en parler qu’avec reconnaissance: elles furent très bonnes pour moi. Je n’ai jamais eu la moindre maladie chez elles. Ayant trouvé que j’avais toujours “la poitrine grasse”, elles me faisaient prendre de l’ipéca pour me faire rendre mes crachats. Je me rappelle ça car c’était un peu cruel: je devais attendre, avant de manger, le matin, ma panade, d’aller vomir dans de sales waters abominables si vieux, si sales... C’était surtout ça: quelle punition non méritée ! Je me souviens aussi d’avoir eu un tic avec ma bouche. Pour me guérir de ça, je devais porter un bandeau sur les lèvres. C’était terrible... Mais … le bon moyen pour le faire passer ?

Lorsque je raconte ma vie, je m’aperçois que je n’étais pas si bête que ça. Au certificat, j’étais tranquille et presque sûre d’être reçue. J’étais bonne en couture, en rédaction, en histoire, en géo. Mais par exemple, ce à quoi je n’ai jamais pu me mettre, c’est l’orthographe. Que de fautes ! J’aurais aimé écrire les mots comme ça me venait. C’est la seule chose que je n’ai jamais pu faire comme il faut.

La maîtresse nous ayant avisées que nous passerions le certificat rue Saint Marcel en même temps que toutes les écoles de l’arrondissement, qu’ils devaient nous appeler de A jusqu’à Z en nous mélangeant. Mon nom commençant par un H et, comme une copine de mon école c’était J, nous avions résolu de tâcher d’être l’une à côté de l’autre. Elle m’aurait aidée à la dictée, et je lui aurais fait sa rédaction.

Rue Saint-Marcel, cette école était très grande avec plusieurs étages. Lorsqu'on appela mon nom, "Helvert", je montai quelques marches et j'attendis, comme convenu, en relaçant mes souliers que j'avais eu soin de délacer avant. Toutes les autres passaient donc devant moi mais mon amie fut appelée très vite et tout finit comme souhaité. Nous avions réussi d'être à la même table… Mais voilà que l'Inspectrice prétexta d'envoyer les plus grandes au fond de la classe! Aussi me fis-je aussi petite que possible ! Pensez, s'être donné tout ce mal pour rien ! Ça a été… mais j'avais eu chaud ! J'ai quand même réussi à faire deux fautes quand ma copine n'en avait qu'une ! Enfin, le reste fut presque parfait: dix en couture, dix en rédaction. À l'oral, je n'avais besoin de personne. En Histoire, ils m'ont demandé de raconter le règne que je préférais; je leur ai récité par cœur celui de Louis XIV et ils ont été obligés de m'arrêter… Chant, Récitation: tout a bien marché ! Pendant les moments de répit, notre maîtresse d'école était là qui venait nous rendre compte que nous avions bien réussi. Quelle joie, pensez-donc, quand elle m'a annoncé que mes deux problèmes étaient bons ! Elle en avait écouté l'énoncé et put ainsi nous confirmer le résultat. Elle était fière: nous étions reçues toutes les deux…

Pour fêter mon succès, Marraine-la-Fée m'emmenais passer une journée à la mer que je ne connaissais pas. J'avais pourtant vu la Méditerranée… mais j'étais si petite ! On m'avait dit: "Tu n'en verras pas le bout"… Et ça me semblait impossible. Aussi, cette fois, m'en suis-je rendu compte par moi-même.

Après ça, la vie a continué pour moi, assez intéressante. J'aimais lire, ô combien! pendant les grandes vacances que, toujours, je passais à Vierzon, avec mes adorables petites amies… Dans leur belle propriété, au grenier, nous avions déniché les "Misérables" de Victor Hugo. Avec Tintin (3-5↓ ) , on en passait des heures à lire !
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 Notes de section 3:   ( Sauter les notes de section 3 )
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3-1.- ↑ Remarquons au passage que les titres des chapitres ne sont pas de Lucie Helvert Delaunay. Ils ont été rajoutés par le webmestre ou concepteur du site pour aérer l'œuvre et alléger sa présentation.
Quant à Gustave Caillebotte, certes, Cisse ne l'a pas connu: il est mort jeune, à 45 ans. Né à Paris le 19 août 1848 et mort à Gennevilliers le 21 février 1894. Lucie avait donc douze ans. C'est l'époque où elle a commencé à vivre à Paris, comme elle le raconte dans ce chapitre. Disons qu'entre l'âge de huit ans et juste treize ans, elle aurait pu être une de ces mini-coquettes en jupes longues que le peintre croisait sur les boulevards haussmanniens qu'il a peints avec un si joli talent. "Peintre français, collectionneur, mécène et organisateur des expositions impressionnistes de 1877, 1879, 1880 et 1882. (…) À sa mort, il lègue sa collection de peintures impressionnistes et de dessins à l'État. Passionné de nautisme, membre du Cercle de la voile de Paris, dont le siège est à Argenteuil, il est aussi un constructeur, un architecte naval et un régatier qui a marqué son époque". Bref extrait du bel article de Wikipedia que je vous invite à lire:
— Gustave Caillebotte sur Wikipedia

3-2.-↑ "Georges", le grand frère tendrement aimé de Lucie est Georges Rugel. Ce "demi-frère" (par la mère) est né légitimement d'Annette Dérondel (ladite "Marraine", la mère de Lucie, laquelle fille hors mariage était née, cependant, après le décès du mari légitime). Le père était devenu tuberculeux. Mauvaise affaire pour le boulanger de la rue Stephenson du quartier de la Goutte d'Or. Courageux, pendant le siège de 1870, il élevait secrètement, avec quelques croûtons, une vache dans sa cave; c'était pour nourrir sa progéniture… Pour la petite histoire, disons, sous les réserves convenues plus avant (QR: 12/20 souv.fam.), que lors de son décès, ce serait notamment grâce à la générosité de Charles Aznavour (entré quelque temps par le mariage dans sa famille), que Georges devrait d'avoir été enterré au Père Lachaise… Inutile de dire que depuis cet épisode, les femmes de la famille ne tarissent pas d'éloge sur les chansons de cet acteur-chanteur d'un parfait talent ( Ce que reconnaissent les messieurs )… (Christian Jodon, rédacteur)

3-3.-↑ En fait, Lucie Sans-Nom n'avait pas été officiellement adoptée par la famille Planta. Ces braves gens avaient recueilli la pauvrette, et cela l'avait rendue heureuse… (Nb CJ, webmestre: j'ai cherché, infructueusement cette loi de 1890 -probable- ayant obligé à "fournir un nom" aux enfants abandonnés. Appel à mieux informés…)

3-4.-↑ Il s'agit de Claude Debussy (Claude-Achille), le grand musicien français des Arabesques (1888-1891), des Children's Corner (1906-1908 ), du Prélude à l'après-midi d'un faune (1892-1894), etc… Mais quand on connaît l'opinion que ce prince de "l'oreille absolue" avait de ses élèves et des jeunes filles en général, on frissonne. Ci-dessous, un bref extrait de la biographie du maître par Heinrich Strobe.

Extrait d'une lettre de Debussy à Chausson, son ami. (Ernest Chausson (né à Paris, 20 janvier 1855 – mort à Limay, 10 juin 1899. (…) Chausson compose des œuvres courtes telles que des chansons, et aussi des œuvres plus longues telles que sa symphonie en si bémol majeur, et surtout un opéra, Le Roi Arthus, dont il rédige aussi le livret en 1885-86, et dont la musique lui demande sept années d'efforts, de 1887 à 1894. Wikipedia).

« Ernest Chausson, les temps sont venus, vous manquez gravement à mon amitié, quittez le Roi Arthus, cause de tant de tourments, et qui cache tant de choses en vous retenant férocement dans le soin de raconter son histoire; allez vous reposer dans l'amitié de Claude, Claude a besoin de vous ! » Et je pense que vous ne résisteriez pas à des harmonies aussi impératives que celles-ci. » (…) Sans cesse, Debussy revient sur la mission divine de l'artiste. Il souffre du présent qui exècre les vrais artistes et qui ne tolère que l'habile médiocrité. Debussy sait qu'il appartient à l'avenir et nous ne le croyons guère, après tout ce que nous savons de lui, quand il dit qu'à trente et un ans il n'est pas « très sûr de son esthétique ». C'est un de ces aveux que lui arrachent des heures de découragement. « L'artiste, dans les civilisations modernes, sera toujours un être dont on n'aperçoit l'utilité qu'après sa mort, et ça n'est que pour en tirer un orgueil souvent idiot, ou une spéculation toujours honteuse; donc il vaudrait mieux qu'il n'ait jamais à se mêler à ses contemporains, et même à quoi bon les faire participer, par une représentation quelconque, à des joies pour lesquelles si peu sont faits ! Il suffirait que l'on vous «découvre» beaucoup plus tard, car certaines gloires récentes auront vraiment de terribles responsabilités à assumer quant à l'avenir. » Vraiment la musique aurait dû être une science hermétique, gardée par des textes d'une interprétation tellement longue et difficile qu'elle aurait certainement découragé le troupeau de gens qui s'en servent avec la désinvolture que l'on met à se servir d'un mouchoir de poche! Or, et en outre, au lieu de chercher à répandre l'art dans le public, je propose la fondation d'une « Société d'ésotérisme musical »... Pendant le temps où je vous écris, au-dessous de moi la jeune fille au piano scie de la musique en ré que c'en est effrayant, et c'est une preuve, hélas vivante, que j'ai trop raison. » Et une autre fois: « Ça serait gentil de fonder une école de néo-musiciens où l'on s'efforcerait de garder intacts les symboles admirables de la musique, où enfin on ramènerait le respect d'un art que tant d'autres ont souillé, et la foule apprendrait un peu à filtrer son enthousiasme et distinguerait un Franck d'un Massenet, et ses pareils ne seraient plus que de pauvres histrions; il suffirait de quelques baraques de foire pour la représentation de leurs pauvres conceptions; du reste, nous devons cet état de choses à la devise qui s'inscrit sur nos monuments: Liberté, Égalité, Fraternité, qui sont des mots bons tout au plus pour des cochers de fiacre. »

3-5.-↑ Rappelons que "Tintin" n'est pas ici un joli jeune homme suivi d'un Milou mais une jeune fille: Lucie dit plus haut: « Il y avait Augustine: c’était “Tintin”; il y avait Claire: c’était “Clairette” et moi, Lucie, j’étais “La Sisse” »


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Lucie et sa piécette porte-bonheur…

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978


Il faut dire aussi, que chez Maman, rue de Cléry, j'avais abandonné mon cabinet noir et mon lit au plafond. Oh ! Ça n'était ni pratique… ni très solide ! Désormais, je couchais avec Marie, la "bonne", une Bretonne. Avec ses cheveux bien lisses, elle ressemblait aux bonnes des pièces de théâtre de Sacha Guitry. Elle avait tout à fait la touche de celle du "Veilleur de Nuit" par Pauline Carton (4-1↓ ) . Nous nous aimions toutes les deux et nous entendions bien pour chaparder tous les petits bouts de bougie… En ce temps-là, il n'y avait pas d'lectricité, ni même de ces petites lampes à piles, si pratiques. On s'éclairait au pétrole. Mais dans notre petite chambre sous les toits, nous nous éclairions avec la Lune, quand elle était là… Par contre, dans cette petite chambre — ô mon Dieu, cent fois merci ! — il y avait une bibliothèque avec tout Alexandre Dumas et tout Jules Verne ! Marraine ne supportait pas de me voir lire. Elle prétendait que c'était perdre son temps… Aussi, dans la chambrette de bonne, ai-je pu faire défiler "Les Trois Mousquetaires" jusqu'à "Vingt Ans après", "Ange Pitou" (4-2↓ )  et le "Collier de la Reine"… et le "Vicomte de Bragelone"… Et tous les Jules Verne. Je ne peux les énumérer tous… J'ai lu tout ça avec la complicité de Marie, mon bon ange ! Elle dormait… Et moi je lisais, c'était ma passion, mon livre dans un main et mon rogaton (4-3↓ )  de bougie dans l'autre. Comment n'ai-je pas mis le feu à l'immeuble? Je faisais très attention. Cela en valait bien la peine…

Mais le revers de la médaille, c'est qu'au matin, j'étais toujours en retard à l'école… Je partais sans avoir mangé, encore ensommeillée, mes souliers pas lacés, non cirés, mal peignée… C'était juste, toujours très juste pour filer dans les rangs sans qu'on me voit !

Elle était là. Elle était toujours à la porte de l'école… à me faire signe d'accélérer. Elle m'attendait avant de fermer le portail. Celle-là qui était toujours à m'attendre, c'était la concierge de l'école. Je la revois avec son éternel tablier bleu… De temps en temps, je lui refilais un litre de Malaga pour sa peine… Marraine en a toujours reçu le cadeau, d'un cousin riche, dans un petit tonneau… Malaga de ma mère ! je n'en ai jamais retrouvé le goût. J'en aurais quand même bu pendant au moins dix ans ! Avec "Marraine", je n'étais, bien sûr, privée de rien. Peut-être, ça oui, étais-je privée de caresses. Mais ma vie antérieure ne m'en avait pas donné l'habitude… Et les enfants élevés comme moi ne sont pas malheureux du moment qu'ils ont un "bon fonds" (4-4↓ ) … Et s'ils vivent avec de personnes honnêtes et bien élevées, comme c'était mon cas.

"Maman-Marraine" avait voulu que je sache tout faire: piano, peinture, couture, ménage, cuisine, lessive… Je faisais tout ça et ça me plaisait énormément.

Pour en finir avec l'école, disons qu'elle était peu éloignée de la rue de Cléry. Je n'avais qu'à monter des marches pour arriver rue Beauregard. Ces quelques marches portaient le nom de "rue des Degrés". J'ai lu dans un journal que c'était la plus petite rue de Paris. Je contournais l'église Bonne Nouvelle et, tout de suite, j'étais arrivée. Maintenant, cette école est devenue une école d'électricité (4-@↓ )  . Il paraît qu'on serait en train de faire dans ce quartier un square; je me demande comment et je voudrais bien aller voir ça.

Après mon certificat, on me mit en apprentissage dans la couture. Mais j'allais oublier de noter que peu avant, j'avais fait ma première communion. À ce moment-là, Marraine avait encore sa mère âgée de quatre-vingts ans (4-5↓ ) . Celle-ci vivait seule au premier étage d'une grande maison, près de la Gare du Nord, rue Stephenson (4-*↓ ) , au numéro 1. Elle en était propriétaire. Malgré son âge, elle descendait tout le faubourg Saint-Denis pour venir passer la journée rue de Cléry. Elle l'a fait assez longtemps. On l'appelait "Maman Dédelle". En réalité, c'était une madame Derondel. Et voilà que cette pauvre "Maman Dédelle" est décédée juste le jour de ma première communion…

Nous avions, è côté de notre boutique, un petit hôtel tenu par une charmante veuve. Elle s'appelait madame Triadou. Je l'aimais bien et elle m'aimait aussi. Elle avait très bien élevé ses enfants, deux garçons et deux filles. Malvina, la plus âgée, avait vingt ans; l'autre, Renée, quinze; et le plus jeune dix ans. La grande aidait sa maman; les autres étaient en pension à Vincennes. Lorsqu'ils étaient en congé, nous étions très heureux tous ensemble. Tous ensemble, nous faisions [d'éternelles] parties de cache-cache…

Cette célébration de communion qui aurait dû être pour moi un si beau souvenir fut bien triste. Heureusement, ce jour-là, cette bonne madame Triadou m'avait adoptée. Elle fut si gentille, me conduisant à l'église, me faisant déjeuner… tout comme l'enfant de la maison. Elle avait l'air d'être fière de moi et il est vrai que ce jour-là, j'étais très belle; car c'était notre couturière qui m'avait fait ma robe; laquelle a d'ailleurs servi je ne sais combien de fois après moi.

En ce temps-là, on portait des bonnets; et je sortais mes frisettes… pour être plus jolie, tiens donc! Et ça scandalisait l'abbé Garnier qui me les renfilait obstinément sous ma coiffe! Et justement j'étais à la première place du rang qui conduisait à l'autel du Bon Dieu, bien au milieu de l'église! Mais mes petits souliers me faisaient trop mal; aussi je les avais quittés et poussés sous la chaise devant moi. Si bien que lorsque monsieur l'abbé fit marcher la claque, je n'eus que le temps de me dresser et de partir sans mes souliers… Heureusement, le Bon Dieu eut pitié de moi: il y avait là un méchant petit tapis tout usé qui fut mon sauveur! Et ça s'est très bien passé: personne n'a rien vu… grâce à ma robe longue! À la sortie, ma chère bienfaitrice m'a conduite chez tous les commerçants du quartier. L'un d'eux m'a donné une petite pièce de cinq francs en or. Je l'ai gardée très longtemps; et je la baisais parfois; et je l'ai donnée à mon fils, à mon Riri, lorsqu'il a été reçu pilote d'avion. « Je tela donne; elle te portera bonheur !»

C'est qu'il en a vu de toutes les couleurs, mon enfant chéri; depuis l'âge de dix-huit ans jusqu'à maintenant qu'il en a cinquante. Je l'ai toujours; il est encore là car c'était un bon pilote. Il me dit souvent:« Maman, c'est la chance !» Mais pourtant, n'a-t-il pas fallu qu'il ait une conduite exemplaire pour piloter avec ses mains brûlées… Ses mains brûlées dans un accident d'avion lui avaient valu d'être réformé; mais cependant, il a voulu s'engager dans la Royal Air Force pour accomplir sur l'Allemagne nazie 41 (4-6↓ )  mission de nuit! Et il m'en a fait serment: « Maman, je te le jure, je n'ai jamais largué mes bombes que sur des usines !» Je le connais, partant d'Angleterre, égaré sur l'Allemagne, ils les aurait plutôt jetées dans la Manche que sur des innocents, au hasard (4-7↓ ) . À vingt-et-un ans, il avait déjà la Légion d'Honneur; et après la Seconde Guerre mondiale, on l'a fait Commandeur! Mais il est si modeste: je l'entends sans le voir qui me dit: « Ne parle donc pas de ça, Maman » C'est dit; je me tais (4-8↓ ) 

Pour en revenir à Marraine, avec ses frères et sœurs, ils étaient quatre, ils héritèrent de la Maman Dédelle. Ils eurent chacun quatre-vingt mille francs; et ils se partagèrent les champs, les maisons… Marraine obtint celle de Montgrésin (4-9↓ ) , dans la forêt de Chantilly. Je me souviens du premier voyage pour "garnir" cette maison. Sur une charrette à cheval, nous emportions des lits, des matelas, du linge, des casseroles… Nous avons mis une journée pour faire trente kilomètres ! En arrivant le soir, j'étais fatiguée. J'aurais dû être contente, à mon âge ? Eh bien non, c'était le cafard ! Je n'imaginais rien d'aussi triste… Heureusement, le lendemain matin, il faisait soleil et tout était changé ! J'ai compris alors l'agrément de la forêt; et du petit jardin qui nous appartenait. Enfin, par la suite, nous y revenions souvent. Le train n'y passait pas. Il fallait, à travers bois, l'aller prendre à une lieue de là. C'était si tranquille en ce temps-là: personne, même pas des campeurs… Et parfois on croisait le duc d'Aumale à cheval; il nous saluait gentiment, sans manières, et l'on n'aurait jamais cru révérer un descendant du roi de France ! (4-10↓ ) 
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 Notes de section 4:   ( Sauter les notes de section 4 )
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4-1.- ↑ Wikipedia:
Henri Delaunay en convalescence - 1928 ou 29

Image:  "Pauline Carton, de son vrai nom Pauline Aimée Biarez, née le 4 juillet 1884 à Biarritz et morte le 17 juin 1974 à Paris, est une comédienne, chanteuse et auteur de théâtre et de cinéma française. Pauline Carton est surtout connue pour ses rôles de soubrette, qu'elle affectionnait." En savoir plus ?:
Pauline Carton dans Wikipedia






  
  4-2.-↑"Ange Pitou" dans Wikipedia:
Jeune orphelin, aussi brave que joyeux, Ange Pitou a été recueilli et élevé par sa tante Angélique. Après de médiocres études dans un collège religieux, il est hébergé par Billot, un ferme de Villers-Cotterêts, qui emmène un jour le jeune homme à Paris. Ils arrivent dans la capitale le 13 juillet 1789 dans une ville secouée les événements violents de la Révolution. (…) Billot et Ange Pitou combattent avec courage, côte à côte, lors de la prise de la Bastille.

4-3.-↑rogaton, subst. masc.
A. - 1. Pop. Porteur de rogatons. Religieux d'un ordre mendiant qui portait des reliques, des indulgences. Car le peuple de Paris est tant sot, tant badaud (...) qu'un bateleur, un porteur de rogatons (...) assemblera plus de gens que ne ferait un bon prêcheur évangélique (A. France, Rabelais, 1909, p. 45).
2. Fam. Petit écrit sans valeur. Ce recueil ne contient que des rogatons (Ac.).On trouve, en parcourant ces deux longues planches [de ma bibliothèque], (...) de bien curieux rogatons d'histoire (E. de Goncourt, Mais. artiste, t. 2, 1881, p. 33).
B. - Au plur. 1. Vieilli, fam. Objet de rebut; objet sans valeur. Il se pratiquait un petit commerce, à peine clandestin, de menus objets et de rogatons divers (Céline, Voyage, 1932, p. 190).

4-4.-↑ « On trouve ce qui suit dans le TLFI : « On peut voir à l'étymologie que fonds et fond sont exactement le même mot. Aussi quand fonds est pris comme ce qu'une personne a de savoir, d'esprit, de probité, etc. et fond comme ce qui fait une sorte de fondement et d'état permanent, les deux significations se confondent tellement que les orthographes dans les auteurs varient sans cesse, et qu'on pourrait faire passer plusieurs exemples sans difficulté de fonds à fond, ou de fond à fonds. Le mieux serait de supprimer l's de fonds, et de ne faire qu'un seul mot de ce qui n'en est réellement qu'un, répondant en latin au mot unique fundus ». Site d'Études Littéraires
J'aime assez cette façon de voir: pourquoi faire simple (le singulier) quand on peut faire compliqué (le singulier ou le pluriel = L'âne de Buridan !) Pour le plaisir d'être incohérent, remarquez: j'ai gardé l'"S"… (Le concepteur du site)

En savoir plus: cliquez ce lien: Site d'Études Littéraires

4-@.- ↑ Curieusement, l'ami (Michel L. de Tarbes) que j'évoque dans la note 2-2: "Lors de mon voyage en scooter Lambretta, avec Michel L., le "Vespa", vers Tarbes, elle m'avait obligé à m'arrêter à Vierzon, 13, rue des Epinettes, pour prendre des photos." avait déjà un point commun avec ma grand mère Lucie Helvert Delaunay: il avait fréquenté la même école, rue de la Lune. Certes, cinquante ans plus tard: transformée en école d'Électronique en 1919 par Eugène Poirot. Depuis, elle est devenue "l'école centrale d’électronique" et a déménagé.

4-5.-↑Le patronyme "Dérondel
Le concepteur du site: la recherche d'une ancienne famille Dérondel à Montgrésin, commune d'Orry-la-Ville dans l'Oise donne de nombreuses occurences à Ermont (Val d'Oise). Ceci avec quatre orthographes différentes: Derondel, Dérondel, Desrondel et Derondelle. Dans le site Geneanet ciblé par le lien ci-dessus, on indique encore: "Lieux d'origine des Derondel : Val d'Oise (France) , Paris (France), Somme (France), Seine-Maritime (France), Seine et Marne (France), Yvelines (France)". Le "Dérondel d'Ermont, 95219, (Ex. Seine-et-Oise) (Val d'Oise, Ile-de-France, France) 1798 - 1885" nous paraît plausible pour être un ascendant d'une famille qui aurait, dans la fin du XIXe siècle et au XXème, habité Orry-la-Ville et particulièrement Montgrésin. J'ai rencontré dans les années 70 un "cousin" présenté comme tel, inventeur ingénieux. Appel à compétences…
Après recherches sur deux sites, je pense établir les faits suivants, nonobstant quelque incohérence dans certaines données (ex: Nestor Rugel)

- La "Marraine" de Lucie, c'est: ANNETTE VICTORINE DÉRONDEL, (née le 4 août 1843 à Paris, Baptisée le 5 août 1843 - Paris - église St Bernard; Décédée en 1932 , à l’âge de 89 ans). Elle était fille de Victor Ador Dérondel (1794/1873), Marchand de vin traiteur (Ses parents à lui étaient: Claude "le jeune" Dérondel (1758/1826); et Marie Anne Gosset (1761/1820)).
- La "Maman-Marraine" de Lucie, ANNETTE VICTORINE DÉRONDEL avait pour mère Louise Florence Brulé, née en 1812 à Orry-la-Ville 60560, couturière domiciliée au hameau de Montgrésin dépendant d'Orry-la-Ville ; mariée à Victor Ador Dérondel le 28 juillet 1835 à Orry-la-Ville 60560. (Ici, nous retrouvons la "racine orrygeoise Marraine" de la famille de Lucie Helvert Delaunay; mais il y en a une autre… Celle du futur époux de Lucie: Ernest Delaunay.)

- La "Maman-Marraine" de Lucie, ANNETTE VICTORINE DÉRONDEL a eu: une sœur et 2 frères (ceux du partage de l'héritage de "Mémé Dédelle"): - Louise Victoire Dérondel (1836- ); mariée le 16 juillet 1853 à Louis Dubois puis le 1er septembre 1863 avec Aimable Charles Jeanne dit Baudry (1821- )
- Augustin Eugène Dérondel (1839- ) marié le 3 avril 1862 avec Camille Augustine Maurice (1838/1901)
- Constant Elie Dérondel (1842/1906) marié le 10 janvier 1878 avec Emélie Besnier (1852- )

- La "Maman-Marraine" de Lucie, ANNETTE VICTORINE DÉRONDEL (1843/1932) s'est mariée le 11 février 1860, à Paris XVIIIème, avec Antoine Nestor Rugel (1860- ). [Nb CJ: on remarque que les dates ne sont pas cohérentes dans les actes civils de Nestor] - La "Maman-Marraine" de Lucie, avait, aussi, par son père Victor Ador Dérondel (1794/1873), dans un mariage antérieur, un demi-frère et une demi-sœur, avec Françoise Elisabeth Bricard (1832- ): - François Victor Dérondel (1819/1855) et - Louise Augustine Dérondel (1822/1823)

Conclusion: "Maman Dédelle" était Louise Florence Brulé, née en 1812 à Orry-la-Ville (60560), couturière domiciliée au hameau de Montgrésin dépendant d'Orry-la-Ville lors de son mariage, le 28 juillet 1835 à Orry-la-Ville même, avec Victor Ador Dérondel (1794/1873). (Avec un petit merci aux auteurs d'arbre généalogique qui le mettent librement à disposition sur Geneanet, tels Lionnel et Corinne Munaro Chauvet !)

4-*.-↑ Note sur Stephenson dans Wikipedia:La rue Stephenson
« La rue Stephenson est une rue du 18e arrondissement de Paris allant de la rue de Jessaint aux rues Ordener et Marcadet. Elle fait partie du quartier de la Goutte-d'Or. Tracée au XIXe siècle, elle partait de la rue Doudeauville et finissait en cul-de-sac au nord de la rue de Jessaint. À l'origine, elle s’appelait rue des Cinq-Moulins, du nom de la butte éponyme située un plus à l'Ouest (plus ou moins à l'emplacement du Square Léon). Elle porte aujourd'hui le nom de George Stephenson, ingénieur anglais qui construisit la première locomotive.» 

4-6.-↑  (QR: 10/20 souv.fam.) Voilà bien la controverse familiale sur l'imprécision du nombre de raids opérés sur l'Allemagne par Henri Delaunay, pour le compte de la RAF, et pour nous libérer en 1944. Une certitude: il avait laissé passer le chiffre de son "engagement pour 30 sorties" (QR: 16/20 souv.fam.) . En général, on oscille entre 33 et 34. Un de ses compagnons d'après-guerre, son copilote sur Paris-Saïgon, André Duchange, disait 34. Était-ce le chiffre retenu par Henri lui-même et qu'ils auraient évoqué entre héros, l'un de la Campagne d'Angleterre, l'autre, plus jeune, héros de la Campagne de France ? Quel est le membre de la famille Delaunay qui détiendrait le carnet de vol d'Henri dans la RAF ? À l'aide, …qu'on tranche enfin ! Mais, de toute façon, 41, 34 ou 33: faites-en autant ! Souvenir (QR: 15/20 souv.fam.): il aurait été le seul pilote d'Air France revenu vivant d'un séjour dans la Royal Air Force…
En attendant, je trouve quelques réponses dans des sites internet sérieux et souhaite vous indiquer celui qui a consacré une masse de travail impressionnante sur les groupes de bombariers français de la RAF: Groupe Guyenne et, celui d'Henri: Tunisie. Ils volaient sur bombardiers Halifax, ne manquez pas ce site:
Philippe Ducastelle: halifax346et347.canalblog.com
Dans ce site, l'auteur de l'article "Delaunay" indique le nombre de 34 sorties de nuit (trente-quatre). C'est le chiffre que je retiendrai à l'avenir. Très bref extrait: « (…) c'est en 1943 qu'il entre dans le "Bomber Command" de la Royal Air Force au groupe Tunisie - 34 missions de bombardements de nuit complètement effectuées lui valurent la Distinguished Flying Cross qu'il reçut le 18 août 1945. Il termine les hostilités avec le grade de Capitaine, et reçoit la croix de Commandeur de la Légion d'Honneur et 4 citations pour faits de guerre le 16 juin 1945 (…) »


4-7.-↑ (QR:16/20 souv.fam.) Là, je serai plus catégorique ; il est certain que ce que Lucie évoque évasivement s'est réellement produit. On imagine l'immense coût d'un raid de plusieurs centaines de bombardiers sur l'Europe, avec leur énorme chargement de bombes… Il était normal que l'État-Major de l'armée de l'air impose aux pilotes ayant "perdu le stream" (un vague de 300 Halifax, songe-t-on au stress qu'elle peut engendrer lors d'un virage de "détrompement" à 90 degrés ?), en regagnant leur base, de larguer leurs engins de mort sur n'importe quelle ville d'Allemagne. Or cet évènement est arrivé une fois à Henri Delaunay. Il a décidé, encourant les sanctions, de larguer ses bombes sur la mer du Nord… S'est-il souvenu, ce jour-là, de ce chirurgien allemand de l'hôpital de Florianopolis qui, tous les autres voulant l'amputer, lui avait sauvé ses mains en leur portant des greffons de peau prélevés sur les cuisses ou le derrière ? Et pour lequel il avait la douleur, nonobstant son devoir de gratitude, de massacrer peut-être un soir une partie de sa famille ? Ayant connu et fréquenté Henri Delaunay, mon oncle, je l'imagine… (Le Concepteur Christian J.)

4-8.-↑« C'est dit; je me tais !» Cette modestie acceptée, cet effacement volontaire, cette humilité: n'est-ce pas l'empreinte, la blessure de l'enfant abandonnée ?

« Plût au ciel que je fusse encore un petit grimaud d'école! » (Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1881, p. 340) Dans le CNRTL, le meilleur des dicos…
Gentils écoliers du groupe "Henri Delaunay" d'Orry-la-Ville, c'est à vous, charmants grimauds d'école que je pense en cousant ce travail de dentelière informatique que vous lisez. Alors que certains d'entre vous se seront égarés
, amoureux de football, sur la trace d'autres Henri Delaunay - ils sont nombreux - j'aurais souhaité que vous sachiez que c'est un enfant de Montgrésin, votre hameau, qui a donné son nom à votre école. J'ai tissé point par point de nombreux "liens" sur lesquels, en double-cliquant, vous aller pouvoir "voyager" et connaître des choses nouvelles et passionnantes: allez donc, sus à la souris !


Réflexion: et si Henri Delaunay avait, par l'éducation donnée par sa mère, "appris" cet effacement, n'aurait-il pas construit lui-même son effaçage, son biffage de la légende de l'Aéropostale de légende, celle des Latécoère, des Didier Daurat, des Bouilloux-Lafont et de ces Trois Mousquetaires de panache: Athos, Porthos et Aramis dont il est le quatrième, éternel ignoré des médias…
Athos, Antoine de Saint-Exupéry, prince des pilotes-philosophes est venu se faire tuer le 31 juillet 1944 à l'aplomb de la villa d'Henri Delaunay, "La Passerelle" de Cassis; Henri lui a survécu, malgré ses 34 sorties de bombardement dans la RAF, jusqu'à sa retraite, et en 1965.
Porthos: le superbe géant Jean Mermoz est mort en traversant l'Atlantique sud le 7 décembre 1936; c'est Henri Delaunay qui pilota Madame Mermoz, la mère de notre Icare national, pour lui jeter une gerbe de fleurs sur l'endroit présumé de la perte du Croix-du-Sud, un Latécoère 300. Lorsqu'en mai 1930, avec le radio Léopold Gimié et le navigateur Jean Dabry, Mermoz réalise la première liaison commerciale entre Dakar et l'Amérique du Sud, c'était, en fait, Henri Delaunay qui avait été pressenti pour cette liaison inaugurale. (QR:20/20 souv.fam.: Cette fois, j'en tiens la confirmation de la bouche même de Jean Dabry lorsque j'ai eu la chance de le rencontrer avec ma mère - Lucienne, "Giselle" Delaunay - Jodon, sœur d'Henri  - à l'hôpital des Jockeys de Gouvieux-Chantilly où Jean Dabry se faisait opérer de la hanche. Le radio devenu pilote m'assura qu'Henri venant d'essuyer un accident lors d'un essai d'hydravion, Didier Daurat avait dit: « Delaunay a la poisse en ce moment; ça sera donc Mermoz qui fera la première traversée !» ) .(Nb: dans Wikipedia, je trouve: En 1929, en équipage avec Henri Delaunay et le navigateur Jean Dabry, sur" l'Oiseau blanc" n°2, Léopold Gimié s'écrase au sol à Istres à l'atterrissage.)
Aramis, Guilaumet ce héros légendaire qui dit un jour à Antoine de Saint-Exupéry venu le rechercher au pied des Andes: « Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait », cet Henri-là est mort, après avoir franchi 193 fois la cordillère. Il est mort le 27 novembre 1940, avec Marcel Reine, alors qu'il volait vers la Syrie sur un quadrimoteur Farman, abattu par bévue par un chasseur italien sur la Méditerranée
Delaunay, qui a franchi, lui aussi, les Andes, lui a survécu un quart de siècle, avec ses mains brûlées dans l'accident de Florianopolis. Ses pauvres mains avec lesquelles il était devenu, à la déclaration de guerre, recordman de constance (probablement avec 106 traversées, données chiffrées par un autre site); ses mains refermées comme des crochets qu'il ne pouvait plus jamais tenir en extension mais qui avaient piloté 34 missions de bombardement au manche d'un Halifax, allers et retours compris ! Ses mains-crochets qui l'avaient rendu "Millionnaire de Kilomètres" à Air France, à son retour de Grande Bretagne; ses mains infirmes qu'on avait voulu lui couper mais qu'un bon génie allemand lui avait rafistolées, je les ai vues, en 1944, nous construire, avec une célérité de prestidigitateur, une "caisse à roulette" avec laquelle, mômes de 11 et 10 ans, mon cousin Frédéric (son fils) et moi nous dévalions des pentes de la route à Manon ou de la départemantale 324A, désertes à l'époque…
« C'est dit; je me tais !» dit Lucie. Henri lui avait enjoint, comme elle parlait de ses exploits en mère légitiment fière: « Ne parle donc pas de ça, Maman !» Cette modestie acceptée, cet effacement volontaire, cette humilité: n'est-ce pas la blessure, l'empreinte de l'enfant abandonnée: Lucie ?

4-9.-↑ 2 petits extraits de Wikipédia: "Montgrésin signifie « montagne de grès » (…) Orry-la-Ville existe depuis l'époque gallo-romaine, et la fondation du village semble liée aux gisements de grès d'excellente qualité à Montgrésin, exploité en carrière. (…) En 1208, Renaud de Gonesse, chevalier, est pour la première fois mentionné comme Renaud de Montgrésin. Une petite seigneurie a été constituée à Montgrésin, probablement à la suite d'un échange de terres avec le chapitre en 1188. Le chapitre se sépara de ses terres au nord de la Thève en faveur de celles entre la Thève et le village. L'hôtel seigneurial était sise impasse Saint-Louis, et des vestiges de ses fondations subsistent dans le jardin d'une des maisons, construite à la fin du XIXe siècle avec les pierres du manoir démoli. (…) Ancienne chapelle Saint-Louis, 13 place des Fêtes Henri-Delaunay, au hameau de Montgrésin : Seule la façade orientale au chevet plat subsiste de cette chapelle, englobée dans une maison particulière au sud de la place des Fêtes. Tout ce qui distingue cette façade des murs des autres maisons du hameau sont les deux contreforts et une baie plein cintre. La chapelle avait été fondée par Saint-Louis et servit aux baptêmes et mariages jusqu'à la Révolution, peut-être encore une nouvelle fois jusqu'au début du XIXe siècle. Malgré l'existence de cette chapelle, Montgrésin n'a jamais été une paroisse. Entre 1869 et 1920, l'ancienne chapelle servit d'école aux élèves de Montgrésin, puis a été vendu à des particuliers par la commune." Fin de l'extrait de Wikipedia

(QR:15/20 souv.fam. par le concepteur du site: CJ): Lucienne "Giselle" Delaunay, sœur du pilote née en 1911 se souvenait de l'institutrice qui, la dernière, enseigna dans cette école: Madame Spinoni. Elle avait ensuite transformé cette ancienne chapelle en épicerie. Lorsque j'étais petit garçon (moins de cinq ans) nous allions avec Lucie Delaunay, notre grand mère, lui acheter quelques vivres. Elle avait pour nous autres bambins, des attentions tendres de vieille institutrice. Avec un bonbon, je me souviens surtout des merveilleuses images très colorées dont elle nous comblait: des images publicitaires que Mémé Lucie appelait "des réclames"…

Site à consulter: Orry-la-Ville

4-10.-↑ Wikipedia: extrait à peine condensé: "Henri d’Orléans, prince du sang, prince d’Orléans, duc d’Aumale, est un militaire et homme politique français, né à Paris le 16 janvier 1822 et mort à Giardinello (Sicile) le 7 mai 1897. Membre de la maison capétienne d’Orléans, il fut l’un des premiers bibliophiles et collectionneurs d’art ancien de son époque.
Fils du roi des Français: Louis-Philippe Ier (Cinquième et avant-dernier fils) et de Marie-Amélie de Bourbon, princesse des Deux-Siciles, il fait ses études au collège Henri-IV à Paris et entre dans l'armée à seize ans. (…) Héritier du dernier prince de Condé, en 1830, son parrain l'a institué légataire universel; il hérita, à huit ans, de l'énorme patrimoine de cette lignée, estimée à 66 millions de francs-or, produisant 2 millions de revenus annuels. Cet héritage était considéré comme le plus important patrimoine foncier français, dont le domaine de Chantilly (Oise) et d'immenses forêts en Thiérache (Aisne)". Fin de la citation.

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Un frère aimé, un rien prodigue.

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978


Naturellement, je me suis mise à l'aimer ce petit village de soixante-dix habitants. J'allais aux fraises, aux noisettes, aux morilles, au tilleul, au sureau… Bien sûr, nous n'avions pas quitté Paris; Mongrésin, c'était notre maison de campagne. Marraine avait déjà une jolie maison à Sannois, non loin de Paris. C'était son mari, le boulanger, qui l'avait fait construire dans l'espoir d'en profiter plus tard. Mais il est mort très jeune, ayant gagné beaucoup d'argent dans la boulangerie… Il s'appelait Antoine Nestor Rugel. Il avait épousé Marraine lorsqu'à seize ans, elle sortait juste du couvent… C'était un travailleur opiniâtre mais il était poitrinaire (5-1↓ ) . Il avait débuté avec un petit fonds de commerce à Saint-Leu. Pendant la guerre de Soixante-Dix, il avait sa boutique à Passy. Comme il contôlait le dépôt de farine du quartier, il pétrissait du pain blanc pour son médecin, le docteur Blanche. Lequel était un éminent praticien, très connu, qui tenait une clinique sur le bords de Seine. Et tous les jours, c'était Marraine qui allait lui porter son pain blanc ! Alors, elle en profitait pour se faire ausculter; si bien qu'encore que toute jeune, elle a su profiter de l'assistance de ce médecin pour échapper à la contagion…

Avec son mari, elle a eu deux enfants, toujours en nourrice ou en pension.

Fatalement, à la mort de son mari, elle a vendu le commerce et s'est retirée dans sa jolie maison. Ce ne fut pas pour très longtemps puisqu'à l'âge de trois ans, presque quatre peut-être, je l'ai connue vivant à Paris, rue du Bac. Quant à la belle maison, elle l'avait louée à un médecin qui y a demeuré pendant des années. Par derrière, elle comportait un jardin très grand, tout en longueur. Elle y avait fait bâtir un pavillon et nous y allions le dimanche, pour cueillir les fruits; il y avait là des cerises, des pêches, des prunes de reine-claude (5-2↓ ) … Nous en rapportions des paniers pleins à Paris. À cette époque, j'avais quinze ans et nous étions encore rue de Cléry.

Madame Triadou avait voulu me faire un chignon. J'étais coquette et, fouillant tous les débarras de leur boutique, j'avais déniché une perruque blonde avec de grandes boucles. Elle m'allait très bien et ça faisait rire tout le monde. Malencontreusement, ça ne dura pas très longtemps; car m'étant trouvé des allures de demoiselle avec mon chignon, j'abandonnai ma drôle de perruque.

Je commençais alors d'aimer la danse. Madame Triadou qui me choyait tant avait un rêve; me faire épouser son fils préféré. Son Alphonse qui était excessivement gentil. Et il avait de beaux cheveux frisé, très noirs. Mais il était petit, ce qui le mettait en rage. Il ne savait que faire pour se grandir. Pour moi, ce fut un bon copain qui ne savait que faire pour me faire plaisir. Ainsi avions-nous commencé d'aller au bal le dimanche après-midi, à l'Hôtel Moderne, place de la République. Et tous deux, c'est sans leçons que nous avons appris à danser. Ça nous est venu tout naturellement et jamais je n'ai dansé avec un autre cavalier que lui… Au Quatorze Juillet, nous faisions plusieurs bals des rues, de la Bourse à l'Opéra… Et nous déjeunions dehors, au beau milieu de la rue de Cléry, car les fiacres n'étaient pas de sortie ce jour-là. On installai des tables dans les rues et tous les commerçants faisaient de même. On se serait cru à la campagne ! Après le déjeuner, nous filions vite à la revue, tous ensemble ! C'était à Longchamp.

On ne manquait pas d'y aller non plus pour le grand prix de Paris. D'ailleurs, on ne jouait aux courses que ce jour-là. et comme on jouait uniquement le favori, on gagnait toujours son entrée sur le champ de course.

J'ai toujours dans ma mémoire la famille Triadou car, jusqu'à mon mariage, il ne s'est pas écoulé un jour qu'ils n'aient eu une part plus ou moins grande dans mon existence… Cette madame Triadou, elle était belle aussi, toujours gentiment mise. Elle avait marié sa Malvina puis avait eu le gros chagrin de perdre sa Renée de quinze ans. Il lui restait Alphonse et Raoul un beau gars, grand, fort joli. En somme,nous ne le voyions pas beaucoup car il se faisait entretenir par les artistes de l'Eldorado (5-3↓ ) . Il ne ressemblait guère à son frère vendeur au Bon Marché, très sérieux.

Madame veuve Triadou avait pour ami un divorcé très convenable, journaliste au Figaro. Il avait deux enfants. Une fille restée avec sa mère; et lui-même avait élevé le garçon venu agrandir la famille Triadou. Son fils s'appelait Charles Régalo. Il a voulu être cuisinier.

Revenons-en à marraine et à son fils qu'elle avait tant gâté. Georges n'était pas paresseux mais il aimait s'amuser. Pour les grands jours il avait sa pièce d'or de 20 francs ! À ce train-là, la faillite les guettait. Pour parer au plus pressé, on pensa au mariage. Si Georges pouvait trouver une jeune fille riche, ils garderaient le magasin et les dettes seraient payées. Il était beau garcon, ce fut facile. Il trouva une jeune fille qui devait, à son mariage, recevoir une dot de vingt mille francs. C'était bien pour le moment. Elle était jolie, grande, forte; elle vivait avec sa mère habituée au commerce. Elles peignaient des lettres pour enseignes dans le faubourg Saint Denis. Ce fut vite fait. Le mariage eut lieu en grande pompe: déjeuner chez Champo à la Bourse (5-4↓ ) , voiture découverte, promenade aux bois de Boulogne.

J'étais en robe blanche. On portait beaucoup de crépon cette année là… Ma robe était en crépon de crêpe georgette et après le bal elle était toute déchirée, comme du papier de soie ! Celle-là n'aura pas fait long feu !

Tout se passa bien mais après, eh bien, après, Lucie (oui elle s'appelait comme moi Lucie), la mariée ne vit pas tout cela d'un œil tendre… Heureusement elle adorait son Georges. Et elle n'y alla pas par quatre chemins, elle nous "expédia", marraine et moi… Adroitement, elle évita le désastre. Georges et Lucie quittèrent la vieille boutique pour s'établir sur les grands boulevards à l'angle de la rue d'Hauteville. Plus tard ils furent expropriés, mais entre temps ils y vécurent très heureux. Ils eurent un fils, Paul et nous ne les vîmes plus…


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 Notes de section 5:   ( Sauter les notes de section 5 )
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5-1.- ↑ Poitrinaire: CNRTL: "1. (Personne) qui est atteint(e) de tuberculose pulmonaire. Synon. phtisique (méd.), tuberculeux.Lisbeth (...) ne vivra pas longtemps, elle est poitrinaire (Balzac, Cous. Bette, 1846, p.124).Sa maigreur [de l'enfant] m'intéressa de suite, et puis (...) cette expression de langueur ardente dont s'idéalise tout visage de poitrinaire (Lorrain, Phocas, 1901, p.134). ? P. métaph. Un orgue poitrinaire qui toussait les débris d'une polka démodée (Coppée, Coupable, 1897, p.48)."
Poitrinaire: cf définition dans le CNRTL

5-2.-↑ La prune de reine-claude: CNRTL: "Gaston de Marolles ds Fr. mod. t. 10, p. 299: ,,Au xvies., on vit souvent apparaître une excellente ou une nouvelle espèce de fruit baptisée du nom d'une reine régnante ou d'une duchesse. La prune reine-Claude fait allusion à la femme de François Ier"
En savoir plus ? cliquez ci-dessous:
Reine-claude dans CNRTL

5-3.-↑ L'Eldorado (de l'espagnol el dorado : « le doré ») L'Eldorado dans Wikipedia (Ci-eous, bref extrait)
L'Eldorado (de l'espagnol el dorado : « le doré ») est une contrée mythique d'Amérique du Sud supposée regorger d'or. Ce mythe est apparu dans la région de Bogota en 15361. Il a rapidement été relayé par les conquistadors espagnols qui y ont cru sur la base du récit du voyage de Francisco de Orellana par Gaspar de Carvajal, et dans le cadre du mythe plus ancien des cités d'or, qui était aussi largement diffusé à l'époque chez les conquistadores. (…)

L'Eldorado, dans un site consacré aux "Caf'Conç" parigots (belle image à cliquer) Bref extrait:
Eldorado - 4, Boulevard de Strasbourg, 10e
Ouvert en 1858, il faut trois ans (et trois directeurs) à l'Eldorado, (trop luxueux et trop onéreux) pour devenir un des grands (sinon le premier d'entre eux) cafés-concerts de Paris. C'est Lorge (à la direction de 1861 à 1870) qui, en 1864, fait venir Mademoiselle Cornélie ( du Théâtre français), pour y déclamer Corneille et Racine. Ensuite viennent des petites choses comiques, des courts vaudevilles, des imitations et des bouts d'opérettes, des chansons populaires, ingénues et libertines, grivoises ou franchement équivoques. Le répertoire du café-concert sait, d'ailleurs, en tirer les leçons : à l'Eldorado, le rire est roi. C'est alors qu'en face, au 13, (Boulevard de Strasbourg) on ouvre le Concert du Cheval Blanc qui devient, en 1876, la Scala. Madame et Monsieur Allemand seront à la dire

5-4.-↑ "Chez Champo à la Bourse": il existe, non loin de la Bourse, une rue du Caire et un passage du Caire où existe un "restaurant Champollion"; alors ? une abréviation de Parigot ?


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Lucie, couturière en goguette à la Belle Époque

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978

Marraine et moi, avec nos meubles, allâmes nous installer dans un petit appartement de trois pièces au deuxième étage rue de faubourg Saint Denis. C'était très gai, sans aucun confort, mais nous avions notre jeunesse. Marraine était encore plus jeune de caractère que moi et je peux dire, sans mentir, que j'ai vécu avec elle des années inoubliables. J'étais devenue intéressante pour elle car elle n'était plus seule. J'étais une bonne ménagère et elle m'avait appris à bien faire la cuisine mais nous n'en usions guère, ayant en face de nos fenêtres un restaurant Fournier très connu dans Paris pour son macaroni. Nous en achetions souvent. Pour cinq francs de caution, le chef nous confiait un plat en argent bien garni. Pas besoin de faire du pot au feu, nous avions notre bouillon grâce aux "Dix huit Marmites". Je me suis vue déjeuner pour vingt sous, deux sous de boudin, deux sous de pain, une livre de cerise et un café à deux sous chez [Bioir?] sur les grands boulevards. C'était amusant! (6-1↓ )  Nous ne dinions pas, nous allions au théâtre tous les soirs. On mangeait en rentrant ou on allait au Français pour cinquante centimes à la claque (6-2↓ ) … pour y voir toutes les pièces.

L'après-midi j'allais apprendre à faire des robes rue saint Denis, chez une couturière très agréable et comme j'aimais ça, je l'aidais beaucoup; pour rien, elle me faisait mes robes. Je lui faisais un croquis ainsi j'étais toujours bien mise, je n'étais pas jolie mais je portais bien la toilette. On me regardait dans la rue et je n'aimais pas ça. Marraine voulait toujours me voir en toilette claire; j'avais une jolie petite robe mauve: je ne la mettais plus. Je vous assure, c'est vrai ! j'étais gênée qu'on me regarde. Je savais bien ce qui faisait chic. Avec Marraine, au théâtre, on descendait pendant les entractes au foyer sur les fauteuils de velours. On s'asseyait pour voir passer tous ces messieurs en habit et les dames en robes à traîne; ça valait la peine. Je devais le lendemain rendre compte à ma patronne de ce que j'avais vu de nouveau. « Vous regarderez surtout, Lucie, comment était ceci, cela…»

Nous avions une loge au Gymnase, une au théâtre du Château d'Eau; aujourd'hui, c'est l'Alhambra Maurice Chevalier. Au Châtelet, nous allions toujours au "poulailler"; la voix monte: on y est mieux que n'importe où et on avait tellement l'habitude que je ne me plaisais plus au parterre. J'en ai vu de ces pièces de théâtre ! Au Francais, j'adorais Marie Leconte. Au Gymnase, les pièces de Bernstein. Au vaudeville, la grande Réjane qu'on n'a jamais remplacée. J'étais folle de Louis Gauthier (6-3↓ )  ! Bien sûr ! Sacha Guitry était un bon comédien mais nous ne manquions jamais une pièce jouée avec Louis Gauthier, un si bon artiste et qui est mort dans la misère, à cause de sa trop grande générosité…

Ah oui, j'étais heureuse. Quelle agréable "Belle époque". Pendant tout ce temps, de 1893 à 1899, dans mon faubourg Saint Denis, j'étais devenue une belle demoiselle qui jouait gentiment du piano. J'aimais interpréter la "Prière d'une Vierge" avec ses croisements sur le clavier… Ce qui me plaisait beaucoup et aussi les "Rêveries de Marguerite". La vie était facile mais il se passait toute sorte d'évènements. Il y eut l'affaire Dreyfus, dont on parla beaucoup;, le "Fort Chabrol", Millerand, Jaurès assassiné, Casimir-Périer élu président de la république; Combes et l'expulsion des Congrégations… En 1895 nos soldats partirent conquérir Madagascar… L'assassinat du directeur du Figaro par madame Caillaux, la femme du ministre, finalement acquittée. Raymond Poincaré notre président pendant la guerre 14-18. On parlait aussi de Déroulède, j'ai toujours été fière d'être francaise ! En ce temps là, on ne voyait pas beaucoup d'étrangers à Paris. Quelques anglais… Je me souviens d'une anglaise qui m'a enquiquinée (6-4↓ )  au théâtre Français, n'arrêtant pas de me casser les oreilles dans son charabia d'anglais. Toujours dans ces années-là, il y eut l'assassinat, en 1894, de Sadi Carnot notre président de la république. Il était de passage à Lyon et un fou d'anarchiste lui a plongé un poignard dans la poitrine… Il s'appelait Caserio, un stalinien qui sera guillotiné ! J'aimais bien Sadi Carnot… Avec Marraine, nous sommes allées le voir à l'Elysée sur son lit de mort .J'étais surtout curieuse de renter dans cette grande demeure présidentielle où l'on n'était jamais entrées. Nous avons aussi été invitées à voir le défilé de l'enterrement rue de Rivoli, depuis le balcon de notre docteur qui nous savait curieuses de tout ça. Pendant deux heures nous avons vu un cortège inoubliable. Toutes les nations étaient représentées. Il faisait beau soleil et tous ces costumes chamarrés d'or et d'argent, c'était formidable. En bas on entendait crier par moment… C'était une estrade qui cassait ! Il y avait une telle foule; c'était noir de monde…

Marraine, à son âge, était très contente de m'avoir. Je la soignais lorsqu'elle était souffrante. Je prenais un grand plaisir à bien faire le ménage ! Nous avions un grand salon avec tapis cloué; un piano… La chambre c'était une alcôve avec un grand lit… et au dessus des planches clouées au mur où nous rangions chapeaux, bottines et au pied du lit un portemanteau pour accrocher robes et manteaux. Il y avait des grandes portes à cette alcôve qui fermaient bien; ce qui faisait que dans le salon on l'ignorait. La salle à manger n'avait pas de fenêtre. Elle se trouvait entre le salon et la cuisine, minuscule. On était arrivé à y manger quand même avec une table à abattant contre le mur, et une toute petite cuisinière. Nous n'avions pas le gaz. L'été on avait trouvé la combine. Nous placions à notre fenêtre, qui donnait sur la cour, une planche et un petit fourneau à charbon de bois pour faire notre cuisine. Pour l'allumer c'était ennuyeux… À l'allumage, ça faisait beaucoup de fumée 

Au-dessus habitait un tailleur. Un vieux juif qui rouspétait tout le temps… Et je comprends çà !
— « Je ne veux pas de ce fumet chez moi !»
Il avait bien raison… Il aurait fallu que nous logions au dernier étage ! On ne s'en est servi que quelques jours, lorsqu'il était absent… puis nous nous sommes séparées du petit poêle à charbon de bois. On a acheté une lampe à alcool et c'est drôle, nous n'avons jamais allumé le feu l'hiver… Les gros fourneaux des "Dix-huit Marmites" nous chauffaient tout un mur qui était brûlant. C'était ainsi notre "chauffage central"!

Nous avions des trucs pour "faire nos écritures". Nous allions au Louvre (le grand magasin). Il y avait là un salon, au milieu duquel était une immense table… Des fauteuils tout autour. Sur la table se trouvait papier à lettre, enveloppes, encre, plumes, avec entête du "Louvre" naturellement, mais ça ne nous dérangeait pas ! On pouvait rester là à lire, à coudre… Vraiment, il n'y avait en ce lieu que des gens très bien élevés; des personnes plutôt chic du reste. C'étaient des bourgeois qui avaient les moyens de perdre leur temps… Puis on pouvait aller se rafraîchir au buffet gratuit avec des grooms qui nous servaient. On choisissait, c'était tout prêt: de l'orangeade du citron, de la grenadine… Pas loin, des toilettes tout ce qu'il y a de coquet. Nous y passions quelques instants. En ce temps là, il n'y avait foule nulle part ! Le monde prenait son temps.


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 Notes de section 6:   ( Sauter les notes de section 6 )
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6-1.- ↑ CNRTL: GOGUETTE, subst. fém. A. - Vieilli et fam. 1. Propos joyeux, plaisanterie. (…) B. - Société chantante, à Paris, au xixe siècle, se produisant dans un cabaret; p. méton., le cabaret lui-même. ex: "La circulaire de M. le Préfet de police concernant les réunions chantantes appelées goguettes" (Béranger, Chans., t. 2, 1829, p. 210). "La jeunesse a oublié Musset et ne croit plus à la folle orgie. On ignore Pierre Dupont. Béranger n'est plus chanté, même aux goguettes" (A. Daudet, Crit. dram.,1897, p. 229). (…) Étymologie et Histoire: 1462 faire goghettes « se régaler » (Cent Nouvelles Nouvelles, éd. Franklin P. Sweetser, XCIII, 76, p. 528 : ung bon poussin et une belle pièce de mouton, dont nous ferons goghettes); 1549 [être] en [ses] goguettes (Est.); 1704 être en goguette (Trév.); 1829 « société chantante » (Vidocq, Mém., t. 3, p. 356). Dér. de l'ancien français: gogue « plaisanterie, raillerie » (xives., Isopet I, éd. J. Bastin, t. 2, XXIII, vers 240) vraisemblablement issu d'un radical onomatopéique "gog" qui exprimerait la joie et qui serait à rapprocher, pour la partie vocalique, de "kok" (cf. coq) et, pour la partie consonantique, de "gag" (cf. gaga); suffixe: -ette*.
Plus sur "goguette" au CNRTL…

6-2.-↑  Au masculin, "un claque" a pu désigner une maison de prostitution. Le CNRTL cite ainsi L.F. Céline: "Maison de prostitution : ... il restait peut-être encore un petit quelque chose, mais pas assez pour « monter » au bobinard. Cependant, on y a été quand même au claque mais pour prendre un verre seulement et en bas. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 137". Ici, "la claque" est utilisée au féminin et le sens en est totalement changé. Dans les théâtres, vers 1900, il était coutumier d'avoir, non loin de la fosse d'orchestre, un groupe de spectateurs dirigés par un "chef de claque". Il s'agissait de déclencher les applaudissements des spectateurs aux bons moments. Lorsque le "chef de claque" levait sa baguette, la "claque" déchaînait les battements de mains de la salle entière; succès assuré… En échange, on assistait au spectacle gratuitement. "Claque" bien innocente que celle de Lucie…

6-3.-↑ Je trouve difficilement des renseignements sur ce Louis Gauthier dans mon moteur de recherche préféré (Google). Dû au fait que les Louis Gauthier sont multiples… Et aussi à l'oubli qui fait mourir deux fois les meilleurs des hommes; surtout s'ils n'ont pas su, de leur vivant, se contruire leur légende… J'ai trouvé une gravure représentant sûrement le chéri de Lucie:
Louis Gauthier et Yvonne de Bray dans "Le ruisseau" de Pierre Wolff / dessin de Yves Marevéry - Cliquez; revenez par la flèche en haut à gauche…
Une image de Louis Gauthier dans le site ArtGitato:
Eugène Brieux (1858-1932): "L’Avocat"; (1922 – Théâtre du Vaudeville) avec Louis Gauthier en Maître Martigny
Dans le site www.fremeaux.com, publicité d'un disque d'extraits de Cyrano de Bergerac "historique" avec la vois d'un Louis Gauthier de 1901 (2mn35); sans doute le "bon":
Cyrano de Bergerac - Edmond Rostand; Enregistrements historiques 1898-1938
Dans un site Google de numérisation d'archives, je trouve 3 occurences du nom Louis Gauthier:
Almanach des Lettres Françaises de 1906
Le 26 avril 1906: Au théâtre du Vaudeville : prem. représ, de "Chaîne anglaise", comédie en 3 a., de MM. Camille Oudinot et Abel Hermant ; (…) avec Louis Gauthier (Le Duc d'Azay). Plus loin: le 3 octobre 1906: Au Théâtre du Vaudeville : Pr. représ, de La Plus amoureuse, comédie en 4 a., de Lucien Besnard ; distribution : (…) Louis Gauthier (Pierre Boissy); enfin: le 8 novembre 1906, au théâtre du Vaudeville, prem. représent, à ce théâtre, de Education de Prince, comédie en 4 a., de M. Maurice Donnay ; distribution : (…) Louis Gauthier (Cercleux)…
Appel aux mieux informés; merci d'avance: chris.jodon@orange.fr

6-4.-↑ CNRTL: Enquiquiner, verbe trans. Var. enkikiner mais considérée comme rare ds Rob. Pop., par euphémisme (pour adoucir) pour emmerder*. Ex: 1. [Le suj. désigne une pers. ou une chose] Causer de l'agacement, de l'irritation. "Ce qui l'enquiquinait le plus, c'était un tremblement de ses deux mains" (Zola, Assommoir,1877, p. 695). (…) Probablement dérivé du radical onomatopéique kik- que l'on trouve dans des mots familiers tels kiki « cou »; préfixe en-*, suffixe -iner

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Las! Lucie: Marraine perd ses gants…

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978
Nous n'étions pas souvent à notre domicile. Marraine ne manquait pas un mariage, pas un baptême. Elle aimait sortir. Elle aimait la toilette. Mais elle avait le terrible défaut, celui de tout égarer. Chaque fois quelle sortait, elle perdait un gant ! Heureusement, sous une porte cochère, en bas de chez nous, il y avait une gantière (7-1↓ ) . Eh  bien, Marraine fut pour elle une sacrée bonne cliente ! Dans sa table de nuit, elle collectionnait une trentaine de gants de toutes les couleurs… mais pas deux pareils !

Elle n'avait pas beaucoup de tête; et pourtant elle était fine, intelligente, chic (7-2↓ ) , très pimpante; mais elle devenait insouciante. En a-t-elle galvaudé de ces objets familiers ! Aussi n'aimais-je guère lui confier les miens; c'était pour moi un méchant dilemme ! Je devais faire attention à tout. Elle n'était pas très vieille, allant sur ses soixante ans. Elle commencait à faire pas mal de sottises. Entre autres, prenant l'omnibus, il lui arrivait d'aller vers la Bastille ayant visé la Madeleine ! Elle n'était pourtant pas folle; simplement, elle manquait de concentration. Elle avait pris l'habitude que je sois attentive pour elle et dame !, lorsqu'elle était seule, ça lui manquait…

Un soir, en rentrant du théâtre, on se couchait sans lumière. Il faisait un peu clair la nuit, sur le faubourg. Je me couche et je l'entends qui me dit:
— C'est trop fort j'ai perdu la moitié de mon corset…
— Comment as- tu fait c'est impossible ?
— Je t'assure je n'ai plus que la moitié de mon corset !
— Eh bien, console toi,nous verrons ça demain…
Le lendemain, je trouvai l'autre moitié de la fanfreluche dans la jambe de son pantalon… Le lacet du corset ne devait plus tenir qu'à un fil.

Nous allions souvent à Argenteuil chez sa fille Claire, ma demi-sœur aînée, fille légitime du boulanger Rugel. Elle avait épousé Dousset, un entrepreneur de travaux public. Jacques était un travailleur et un honnête homme. Ils avaient deux enfants Lucien et Berthe. Là, ils habitaient un beau pavillon sur l'avenue de la Gare avec des dépendances pour ranger tombereaux (7-3↓ )  et chevaux . J'ai dit "avenue de la Gare" car cette avenue nous y menait tout droit; mais en réalité, c'était le boulevard d'Enghien. Aujourd'hui, comme j'écris, Jacques, Claire, le fils Lucien, tous sont morts. Ne reste plus que Berthe.

Marraine avec son gendre avait une patience d'ange. Il n'avait de cesse de la vexer; pourtant elle ne savait que faire pour l'amadouer . C'est elle qui leur avait acheté leur piano et bien d'autres choses. Elle craignait son beau-fils comme la peste et endurait tout pour sa fille qui était, on ne peut pas dire autrement, excessivement bonne. Du reste ce fut un mari exemplaire, travailleur, juste et honnête. Avec moi, il a toujours affiché l'air de m'ignorer. Il était plutôt glacial. A table, cependant, il disait: « Mais servez donc cette petite !». Et parlant de sa belle mère d'un air grognon, il ajoutait: « Eh bien, qu'est ce que vous attendez pour vous servir !». Heureusement pour moi, ça n'était pas intenable. Plus tard, lorsque je suis devenue une vraie parisienne, je chantais gentiment, je faisais des vers… Ainsi l'ai-je surpris parfois qui me regardait avec admiration… Je faisais celle qui ne s'apercevait de rien, bien sûr, mais au fond de moi, j'étais fière. J'avais apprivoisé notre grognon. J'ai toujours trouvé que c'était le plus juste de la famille. Eh oui ! finalement, je l'aimais bien.

Je m'entendais bien avec la petite Berthe qui m'appelait Gigi. Elle ne voulait plus me quitter. Nous l'avions en vacances avec nous à Montgrésin. Elle me donnait beaucoup de travail. Mais j'ai toujours, étant jeune, adoré les enfants. Les Dousset ne venaient pas souvent ensemble au faubourg; seulement à Noël pour manger la dinde en famille. Cette dinde nous était envoyée de Vierzon tous les ans .

Claire, elle, était souvent à Paris pour aller dans les magasins. Elle venait nous chercher au commencement des saisons de mode pour que je l'aide à choisir. Elle avait confiance en mon goût. Elle a toujours préféré le Bon Marché. Nous avions aussi, à côté de notre logis, "La Ménagère", sur le boulevard Bonne Nouvelle. Aujourdhui c'est un grand bureau de poste. Que de changements ! Presque en face de nos fenêtres, ils ont percé une rue qui va du faubourg Saint Denis au boulevard de Strabourg. C'était l'endroit ou nous allions une fois par mois dans un charmant établissement de bains. Ils avaient trouvé le moyen d'aménager un joli petit jardin dans la cour, devant les marches qui conduisaient à l'entrée. Sa disparition, quel dommage ! Heureusement rien ne s'efface dans ma tête et je le revois encore. Au marché, tout le long du trottoir, en face de notre fenêtre, nous pouvions choisir en nous servant, c'était plaisant. L'été, toutes les deux, nous prenions à la porte Saint Denis l'omnibus jusqu'à la Madeleine, pour trois sous, sur l'impériale. On revenait de même le soir et c'étaient les illuminations, la musique dans les cafés… Quel heureux temps !

C'est bien grâce à Marraine que j'ai vu tout çà car elle aimait sortir plus que moi. Je revois encore la première du Cyrano de Bergerac au théâtre de la porte Saint Martin. Ce prestigieux Edmond Rostand, on le portait en triomphe, on lui donnait la Légion d'Honneur ! Son Aiglon, avec Sarah Bernard, ce fut sublime. Elle avait encore ses deux jambes à ce moment-là; elle avait soixante ans et elle a fait l'admiration de tous en interprétant le rôle d'un jeune homme de vingt ans. Il fallait voir la salle, c'était du délire. Ce n'était pas vulgaire comme à présent où l'on manifeste en cassant tout. À présent, on a inventé le téléphone, la radio, la télévision; ça n'est pas trop mal. Mais en revanche, que d'inventions funestes pour lesquelles il aurait valu mieux rester au bon vieux temps.

[Las! (7-5↓ )  au temps où Marraine perdait ses gants…] (7-4↓ ) 


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 Notes de section 7:   ( Sauter les notes de section 7 )
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7-1.- ↑ Dictionnaire Cnrtl-Atilf-Cnrs: Gantier, -ière, subst.: Personne qui confectionne ou vend des gants. Un gantier qui a pris mesure de ma main (Balzac, Mém. jeunes mar.,1842, p. 164).Il lui dit : Voulez-vous, gantière, Vendre des gants au Brésilien? (Meilhac, Halévy, Vie paris.,1867, V, 9, p. 115).Un vendeur (...). C'était le gantier Mignot, échappé de son rayon (Zola, Bonheur des dames,1883, p. 654). - Emploi apposé avec valeur d'adj., vieilli. Ouvrier, marchand gantier. (Dict. xixe et xxes.).

7-2.-↑ Dictionnaire Cnrtl-Atilf-Cnrs : chic: subs. ou adj. invariable voire interjection: (…) A.- [Correspond au sens B du subst.] Élégant : - 14. Il y a une belle croix noire avec des boules d'or à ses trois bouts qui, au point d'intersection des bras, montre un tombeau chic : Sainte-Hélène, ombragé par un saule pleureur d'un pleurard échevelé; ... Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 361. - 15. - Ce sont les hussards de la religion, les anciens et joyeux lanciers, les régiments chic et pimpants du Pape, tandis que les bons Capucins, ce sont les pauvres tringlots des âmes, dit Durtal. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1895, p. 62. - 16. - Mais qui sont ces gens, demandait Caracalla, pourquoi viennent-ils ici? Ils ne semblent pas s'amuser... - Voudriez-vous qu'ils lancent des confettis et se coiffent de bonnets d'âne; c'est le style de l'Europe Centrale; à Paris et à Londres on ne « chahute » pas dans les boîtes « chics »... Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 61.

7-3.-↑  Dictionnaire Cnrtl-Atilf-Cnrs: Tombereau, subst. masc. A. -1. a) Voiture de charge hippomobile ou tirée par des bœufs, composée d'une caisse montée sur des roues et qui peut être déchargée en basculant en arrière.

7-4.-↑ J'ai expliqué que trois correcteurs ou préposés au formatage ont choisi, pour alléger la présentation, de scinder en chapitres le récit de Lucie Helvert Delaunay: Éric Charmoille, Nicole Jodon et Christian (son frère qui parle ici). Parfois, un mot, une expression entre crochet peut marquer un mot douteux du texte original, un mot purement choisi par les "formateurs" pour un autre, moins approprié, ou, comme ici, un ajout pur et simple. Ici pour rappeler le titre et donner un semblant de cohérence au découpage…

7-5.-↑ Dictionnaire Cnrtl-Atilf-Cnrs: Remarque (CJ) CNRTL ne dit rien de Las! tout en traitant très bien de Hélas! Le Petit Larousse en dit: Las! Interjection [las] (prononce l'S finale); synonyme de hélas! (Vieux) - Jean Girodet (Difficultés de la Langue française) dit: las! Interjection; prononciation La ou Las. - Au sujet de la prononciation, le Dictionnaire Cnrtl-Atilf-Cnrs dit: "Prononc. et Orth. : [el?:s]. Vx [el?] ds Fér. 1768, Littré (qui recommande cette prononc. p. anal. avec las) et ds DG (avec la mention ,,vieilli``). La restitution de s final est due à la prononc. affective et à la confusion entre le fém. et le masc. qui ne sont plus distingués dans le mot devenu une interj. L'a. fr. se servait de : hélasse au fém. (cf. Buben 1935, § 217 et Dupré 1972). Étymol. et Hist. xiies. Elas (Alexis, rédaction interpolée, éd. G. Paris et L. Pannier, 129, p. 225); 1176-84, E, las! (G. d'Arras, Ille et Galeron, éd. F. A. G. Cowper, 2464 [3271]); fin xiies. Hé! las (Chansons de Conon de Béthune, éd. A. Wallensköld, V, 14); 1458 emploi subst. (A. Gréban, Passion, éd. O. Jodogne, 15812). Composé de hé* et de las* au sens de « malheureux » employé aussi comme interj. et avec d'autres interj. comme Ah (cf. ca 1050 A! las ds St Alexis, éd. Chr. Storey, 394) ou ho. Hé et las restent autonomes en a. fr. et las, considéré comme adj., a longtemps obéi aux règles d'accord (cf. T.-L.).". [Nb CJ:  ici nous prononcerons: [las] pour "l'allitération"; ce qui m'amène à rappeler (CNRTL toujours!) ce qu'est ce mot: Allitération: Répétition exacte ou approximative d'un ou de plusieurs phonèmes (surtout consonantiques) à l'initiale des syllabes d'un même mot, au commencement ou à l'intérieur de mots voisins dans une même phrase :
1. Chez les peuples scandinaves, l'allitération ou l'emploi des mêmes consonnes était le principe dominant de la versification, comme la mesure chez les anciens et la rime chez nous. Bouillet1859.
2. Te souviens-tu de ce sonnet : Le Vœu, où il y a une perpétuelle allitération en v? "Le nombreux univers en vous fut plus vivant Qu'en ses fleuves, ses flots, ses fleurs et ses fontaines." J. Rivière, Alain-Fournier, Correspondance,lettre de J. R. à A.-F., août 1907, p. 236.]




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Lucie amoureuse… de Paris "Ville-Lumière"

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978
On s'amuse au cinéma; pourtant ça ne vaut pas les fêtes de Paris lors de la visite des  (8-1↓ ) souverains Russes. Le tsar et la tsarineavec leur première petite fille. On avait accroché aux arbres des roses en papier; on aurait cru de vraies roses. Jamais nous n'avons revu les grands boulevards illuminés de la sorte. Le soir de la réception à l'Opéra, on avait sorti un carosse doré. Toutes les lumières de l'avenue de l'Opéra s'étaient éteintes, ne laissant que les deux souverains éclairés dans leur voiture. L'impératrice, couverte de tous ces diamants, je n'avais jamais rien vu d'aussi joli ! Avec Marraine nous ne manquions pas une journée de fête… Nous étions à la pose de la première pierre du pont Alexandre III, ce pont qui est le plus beau pont du monde. Il a été achevé pour l'exposition de 1900. Dame ! on y arrive à cette exposition inoubliable. Je peux en parler, je l'ai vue pendant un mois tous les jours. Nous avions souscrit une obligation de l'exposition qui nous donnait droit à nos entrées. Nous arrivions de bonne heure; nous déjeunions avec des poires envoyées de la campagne, un peu blettes mais nous en avions une caisse pleine.

Nous prenions notre café au Mesenque, dans de jolies tasses dorées; il était bon et gratuit. C'était pour nous le faire connaître… Sûr qu'on l'a bien connu, car tous les jours pendant un mois on a pu le goûter. Mon plaisir était de parcourir l'Algérie, la Tunisie… C'étaient des souks (8-2↓ ) , on s'y serait cru. Les arabes avaient été choisis beaux, tous beaux. Ils me reconnaissaient et me parfumaient au géranium rosa; et ils m'appelaient Marguerite. J'avais un penchant pour l'un d'eux. Et je lui avais promis de retourner avec lui en Afrique ! Cà se passait rive droite de la Seine, côté Trocadéro. Pauvre Trocadéro il l'ont démoli, les barbares, en 1935 pour l'exposition universelle de 1937 ! C'était pourtant plus joli que leur Palais des Nations ! Nous passions ensuite le pont Alexandre III; et je ne me lassais pas de le contempler.

Il y avait, sur ce pont, un homme qui distribuait des petits sachets de toutes les couleurs contenant des cachous "Lajounie". J'en avais fait une collection. Il faut dire que nous étions en été et que pendant tout ce mois d'août nous n'avons pas reçu une goutte d'eau. J'avais à la main mon petit éventail que l'on distribuait dans l'exposition. Nous allions aussi aux pastilles de Vichy qu'on distribuait par poignées . À quatre heure, là, c'était merveilleux: le chocolat Meunier avait construit un énorme bateau tout blanc. Sur le pont en fer à cheval il y avait un comptoir où des marins nous servaient du chocolat au lait tout chaud . Ils nous connaissaient et nous laissaient faire deux tours lorsqu'il n y avait pas beaucoup de monde… On connaissait les heures favorables ! Étions-nous gourmandes ? Oh non ! pour ça non ! c'était plutôt un jeu pour nous…

Nous mettions deux francs dans une superbe cabine et il nous descendait toujours un cadeau. Souvent c'étaient 2 places de théâtre. Pour changer un peu, nous avions le tapis roulant. Il était vraiement "roulant"… On entendait des rires car pour y monter c'était toute une affaire car il s'arrêtait jamais de tourner. Il n'y avait pas de rampe où s'accrocher. Il fallait être très agile pour y grimper. Au bout de plusieurs essais, on a saisi le "truc", mais alors, il nous a fallu apprendre aussi à descendre. C'était plus difficile encore ! Oh ! cette Marraine! elle riait encore plus que moi.

Un jour, nous avons vu arriver chez nous mes deux chères petites amies de Vierzon et pendant le reste du mois elles demeurèrent avec moi. Pensez à ma joie de leur montrer tout ce que j'avais vu ! Le soir au Champ de Mars, dans l'exposition, il y avait des fontaines lumineuses sur le dôme des Invalides. À l'arrière-plan ils avaient installé une grande femme nue illuminée, en marbre blanc, avec une torche à la main. Je n'ai jamais rien vu d'aussi surprenant que cette femme nue dans le ciel noir: une vision inoubliable ! Avec mes petites amies, nous papotions à la porte des cafés splendides qu'il y avait dans l'exposition pour écouter leur musique. Ah ! je vous assure, ça n'était pas du jazz, heureusement ! Quand c'était la "Valse bleue", une musique douce, nous serions restées à l'entendre à genoux ! Marraine s'asseyait; il y avait des chaises partout… Elle était nouvelle cette valse. Je l'avais achetée, vous pensez bien ! Du reste mes petites amies aussi. Comme moi, elles avaient appris le piano. Et nous jouions à 6 mains lorsque j'allais les voir à Vierzon. La grand mère abandonnait ses mouchoirs, elle nous disait heureuse: « Les filles ,on vous entend jouer "Santiago" jusque sous le pont du chemin de fer !». Pauvre grand mère avec son petit bonnet noir, elle perdait toujours ses lunettes.
— Vous ne les avez pas vues ,
— Mais grand mère tu les as sur la tête !

Avec mes petites amies, Tintin et Clairette, nous quittions l'exposition au dernier moment. On entendait crier: « On ferme !» Mais certain soir vers les neuf heures, (en ce temps-là, on ne disait pas vingt-et-une heures, c'était beaucoup plus simple !), nous décidions d'aller voir le cinéma logé dans la galerie des machines. Il y avait des gradins en rond comme au cirque et la grande toile immense se déroulait dans le milieu; c'était comme çà que tout le monde voyait. Ca durait cinq minutes juste le temps de voir un train en gare de Saint Denis et jugez de notre surprise, nous reconnaissions Claire, la fille de Marraine avec sa petite Berthe qui avait peut-être huit ans. Claire avait un panier et Berthe un chapeau de paille, sa natte dans le dos. Elles venaient d'Argenteuil et changeaient à Saint Denis pour gagner Orry-la-Ville et Montgrésin. Presque tous les soirs nous allions voir "Claire et Berthe" dans le premier film du monde (8-3↓ ) . En parlant de natte Clairette avait aussi une très belle natte dans le dos et en attendant l'omnibus dans la foule on la lui a coupée mais le voleur n'en a pas profité, sa natte était tellement épaisse il n'en avait coupé que la moitié . C'est en rentrant et faisant sa toilette que les cheveux lui sont restés dans les doigts. Des pleurs, dame. Il a fallu couper le reste, mais oui, ce n'était pas la mode comme à présent!

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 Notes de section 8:   ( Sauter les notes de section 8 )
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8-1.- ↑ Extrait de - Wikipedia: "Des visites officielles bilatérales s'effectuent à un rythme régulier : d'abord la visite du jeune couple impérial en France, en octobre 1896, qui est un triomphe et au cours de laquelle Nicolas II inaugure le Pont Alexandre-III à Paris36, ensuite la visite en 1897 du président Félix Faure, puis la seconde visite de Nicolas II en France en 1901, auquel répond celle du président Émile Loubet à Saint-Pétersbourg en 1902." - Le fait que Lucie mentionne l'inauguration du pont Alexandre 18#L%P22 indique sans erreur qu'il s'agit de la visite impériale de 1896. CJ

8-2.-↑&- Dictionnaire Cnrtl-Atilf-Cnrs: " Souk, subst. masc.: A. - Marché public d'un pays arabe; en partic., ensemble de rues commerçantes (parfois couvertes); chacune de ces rues où les artisans et commerçants sont regroupés par corporation. [À Tunis] c'est le souk des selliers qui commence; l'allée tourne, puis, indéfiniment, continue (Gide, Journal, 1896, p. 70).Aujourd'hui c'est jour de souk (Lanly1962, p. 68)." - Pour plus de détails:
- Dictionnaire Cnrtl-Atilf-Cnrs: "souk"

8-3.-↑ Au risque de dévaloriser Lucie, je remettrai en question cette affirmation du "premier film du monde". Je me baserai pour ça sur un article très complet et finement documenté de Wikipedia dont je rappelle ici que j'ai été un donateur (non-pas un "contributeur", titre mérité par ceux qui rédigent les articles; j'ai seulement "encouragé" en versant une somme non négligeable vu mon salaire… ce qui est une des meilleures réussite de l'Internet -en face de tant de déchet honteux!)
Les Anglo-Saxons n'auront jamais fini de digérer Castillon. Aussi s'acharnent-il à démolir l'idée que les frères Lumière seraient les inventeurs du cinématographe ! Les Français auraient attenté à la dignité de je ne sais plus quel inventeur anglophone, le Popov des Ricains pour sûr, qui lui n'aurait jamais copié ni la "lanterne magique" ni la fameuse "grotte de Platon"…
La lanterne magique, l'avoue par ailleurs mon encyclopédie bienaimée, "apparaît en Chine au IIe siècle av. J.-C., (…) Cependant, la première lanterne "moderne", date du milieu du XVI siècle, inventée par un savant jésuite allemand, le père Athanasius Kircher." Quant à la "grotte de Platon", Comme disait mon prof de math du SPCN rue Cuvier: "Je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que 2 et 2 font 4 !" Mon encyclopédie dit: "L'allégorie de la caverne est une allégorie exposée par Platon dans le Livre VII de La République. Elle met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une demeure souterraine qui tournent le dos à l'entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d'objets au loin derrière eux. " Et pour accéder à la connaissance du vrai, il faut affronter la lumière extérieure (la connaissance) et risquer de ne pas être "prophète en son pays: dans la grotte"… Curiosité bien saine: qui vous le dira? Wiki, wiki !
Allégorie de la caverne
Après avoir rendu hommage aux Edison chenus, aux Latham bouclés, contentons-nous en bons franchouillards de dire que les frères Lumière auront été, avec certains collaborateurs français des anglophones, un jalon important dans l'histoire du cinoche.
Pour les premiers films, le bel article de Wikipedia cité plus haut retient: "À Paris, le 22 mars 1895 (…) "La Sortie de l’usine Lumière à Lyon"; (…) Le 28 septembre 1895, à La Ciotat (…) "La Sortie de l'usine Lumière à Lyon, La Place des Cordeliers à Lyon, Le Débarquement du Congrès de la photographie à Lyon, Baignade en mer, Les Forgerons" et "Le Repas de bébé et La Pêche aux poissons"; enfin: "La Voltige et Le Saut à la couverture".
On trouve aussi sur YouTube, "L'arrivée d'un train à La Ciotat (1895) - frères Lumière" à visionner:
— L'arrivée d'un train à La Ciotat (1895) - frères Lumière
Avec la légende bien utile: "Ce court-métrage fut filmé, comme son nom l'indique, à la gare de La Ciotat en cours d'année 1895 (…). Contrairement à une croyance populaire, il ne fit pas partie de la liste des 10 films diffusés en public le 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café à Paris. Diffusé en public en janvier 1896, ce court-métrage aurait horrifié les spectateurs, terrifiés à la vue de cette énorme locomotive fonçant vers eux (aujourd'hui, cette rumeur est considérée comme erronée). www.histoire-fr.com"
Mais les frères Lumière en ont tourné bien d'autres et pourquoi pas, pour l'expo de 1900, en gare de Saint-Denis (Neuf-Trois)…

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Ô pour le cœur de l'humiliée
Comme elle éblouit la tendresse…

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978


Pauvre Clairette, pour la première fois qu'elle venait à Paris. Nous avions voulu les emmener à Montgrésin, leur faire connaître notre petit hameau. Le lendemain, Marraine nous abandonna pour aller voir la tante Brûlé qui demeurait à Montgrésin, près de chez nous.

— Je ne serais pas longue, je vais lui dire bonjour.

Nous avions déjeuné. Je m'étais mise à débarrasser la table et à faire la vaisselle. Augustine et Clairette me demandèrent d'aller à l'entrée de la forêt.

— Oui aussitôt prête, je vous rejoins !

Comme souvent, elles se disputaient… Ce n'était pas grave ! L'une voulait m'attendre; l'autre voulait continuer de marcher. Je fais le plus vite possible et je trouve Clairette en pleurs toute seule sur la route…

— Où est ta soeur ?

Nous nous mettons à sa recherche; on l'appelle pendant une heure puis, en hâte, nous allons chercher Marraine. Alors, les heures passent et ne voyant rien venir, on va trouver le maire qui demeurait juste à côté et qui avait une voiture. Il part chercher partout, jusqu'au soir tard. Et il la retrouve ! Elle avait marché tout l'après midi; et ce qui était bizarre, c'est qu'elle avait traversé la voie de chemin de fer… Elle aurait dû comprendre qu'elle ne retrouverait pas sa route en faisant cela. Elle se cachait aussitôt qu'elle voyait quelqu'un, au lieu de demander son chemin. Pensez comme nous étions heureuses de la voir arriver. Clairette qui était plus jeune n'arrêtait pas de pleurer. Elle disait: « J'aimerais mieux perdre ma pièce de cent sous que ma petite soeur ! »; et j'en prenais pour mon grade. Il est évident que je n'aurais pas dû les quitter, mais je ne pouvais imaginer chose pareille !

Enfin ça leur aura fait des souvenirs, de ces choses de la vie qu'on se rappelle. Pendant nos vacances Augustine et moi, nous allions dessiner des paysages de fermes. Un jour que nous avions des couleurs, nous voulions peindre un château éloigné… Mais nous nous sommes perdues toutes deux dans la forêt de Vierzon. Forêt d'Orléans comme on l'appelait ici. C'est un massif beaucoup plus sauvage que celui de Chantilly. Nous sommes rentrées tard; alors depuis nous ne sommes plus sorties seules.

On allait en bande le dimanche dans cette forêt. Nous connaissions des amis, les deux frères avaient épousé les deux soeurs. Quand j'avais 8 ans, j'avais été de leur noce. Et je me souvenais très bien que c'était la seule fois que nous utilisions la salle à manger de la famille Planta Journeau. Surtout, je n'avais pas oublié que c'était la première fois que je mangeais de la tête de veau vinaigrette et des oeufs à la neige ! C'était avec eux que, plus tard, on sortait en forêt. On se tenait par la main au retour jusqu'à l'entrée du pays et l'on chantait une chanson un peu bébête mais qui nous aidait à bien marcher.

— Qu'est ce qu'y a deux, y a deux Testaments, l'ancien et le nouveau mais y a qu'un cheveu sur la tête à Mathieu
— Qu'est ce qu'y a trois, y a Troyes en Champagne, y a deux Testaments, l'ancien et le nouveau mais y a qu'un cheveu sur la tête à Mathieu
— Qu'est ce qu'y a quatre, y a Catherine de Russie, etc… mais y a qu'un cheveu sur la tête à Mathieu
— Qu'est ce qu'y a cinq, y a simplicité, etc… mais y a qu'un cheveu sur la tête à Mathieu
— Qu'est ce qu'y a six, y a système métrique, etc… mais y a qu'un cheveu sur la tête à Mathieu; etc…
— Qu'est ce qu'y a treize y a très épatant, etc… mais y a qu'un cheveu sur la tête à Mathieu

Et tous les ans, on recommencait. Surtout, lorsque nous étions tous loin les uns des autres, on ne s'oubliait pas, oh non ! Avec Augustine, nous nous écrivions en vers. On aimait ça et j'ai tout gardé; je les relis souvent; Voici un de ces poèmes:




Chère Lucie

Ma chère petite amie merci mille fois
Pour ce qu'en ce jour je reçois de toi
Merci de ce joli bouquet
Si odorant si frais et si coquet
Dont un lointain mais très doux baiser
Saura bien j'espère te récompenser
Je les aime d'autant mieux ces fleurs de poésie
Les sachant envolées du coeur de ma Lucie.


Augustine




Je l'aimais tant ma petite Augustine elle fut la marraine de ma petite fille. Elle s'est mariée avant moi, j'étais sa demoiselle d'honneur, au dîner j'ai chanté Froufrou… Et puis Clairette s'est mariée avec son beau frère, les deux soeurs ont épousé les deux frères.

Ô pour le cœur de l'humiliée…


À Lucie Helvert Delaunay, notre adorable grand mère de Montgrésin grâce à qui la guerre nous fut adoucie par ses chansons

Ô pour le cœur de l'humiliée
Comme elle éblouit la tendresse
Et qu'une douceur grapillée
Inonde une vie d'allégresse…

Ô Lucie qui n'a rien reçu
Baisers, mots tendres en ta jeunesse
Au petit enfant que je fus
Tu m'en comblas jusqu'à l'ivresse…

Fille Sans-Nom frustrée d'amour
Qu'un mot doux comblait de joliesse
Dans la guerre et le désamour
Tu nous sauvais de la détresse

Ô pour le cœur de l'humilié
Qu'elle est vive la gentillesse
Et qu'un sourire éparpillé
Remplit notre vie de caresse…

Christian Jodon
"Poèmes Populaires", 24 mai 2014


© Christian Jodon; Reproduction autorisée avec la mention:
"© Christian Jodon - SGDL, 28 mai 1982; http://www.sos-valdysieux.fr "



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Comment l'esprit du commerce vient aux filles…

Autobiographie de Lucie Delaunay, enfant sans nom, nantie du nom d' Helvert par l'Assistance Publique. Elle fut la mère du pilote Henri Delaunay … Née à Nice, le 10 février 1881; décédée à Montgrésin, Orry-la-Ville le 14 octobre 1978
Maintenant je vais raconter ce passage de ma vie qui a beaucoup compté pour moi.
Dans ma retraite de femme vieillissante, mes pensées retrouvent souvent le chemin de mes songes d'autrefois. Nous allions très souvent à Montgrésin. C'était le temps des petites fraises des bois; j'étais partie en cueillir dans la forêt. Une voisine, madame Bernard, me dévoilait les meilleurs coins où les trouver.

De retour au hameau, Marraine me dit:« Tu sais, il est venu un "neveu"; tu le connais… Il m'a demandé que tu ailles l'aider à garder sa boutique de Saint Maurice… » Son épouse était partie en voyage avec ses deux enfants qui avaient la coqueluche. C'était Marraine qui lui avait fait connaître sa nièce et les avait mariés. Il avait peut-être trente-cinq ans. Il me dit qu'il y avait une bonne; que je n'aurai simplement qu'à vendre à la boutique. Lui-même était chef de rayon à La Belle Jardinière de Paris… « Il ne peut pas s'occuper du magasin et de la boutique en même temps; tu comprends… Alors, j'ai accepté ! ça te fera connaître le commerce !»

J'en restais pétrifiée. Comment, moi qui n'avais jamais quitté Marraine, voilà qu'elle me "plaçait" sans me demander mon avis ? Oh, je n'en revenais pas !
— Ça n'a pas l'air de te faire plaisir?
— Ah non ! Bon, puisque c'est ainsi, je n'ai plus qu'à faire ma valise !
— C'est ça, me dit Marraine, tu partiras dès demain car, bien sûr, il n'a plus personne dans sa boutique. Plus tôt tu y seras, mieux ça vaudra ! Prépare-toi; moi je vais chez la tante.

Vous dire mon desarroi !… Il me semblait que mon coeur se vidait !… Non ! après tout, je ne montrerai pas mon chagrin, je serai fière… Et me voilà à faire ma valise… Mais mes larmes coulaient, je vous l'assure.

Elle raconta cela à la bonne vieille tante qui m'avait prise en affection. Tous les samedis, nous allions chez elle pour déjeuner d'un pot au feu… Car elle ne pouvait boire que du bouillon !
— Comment ? Tu abandonnes ta grande fille à un homme seul ! Où as-tu la tête, Annette ?

J'ai compris plus tard bien des choses. Quelquefois, Marraine m'abandonnait chez une dame voisine, à Paris, rue de Paradis. Parfois pour une huitaine de jours… J'y allais de bon cœur car la dame me donnait une jolie chambre. La chambre de sa fille décédée à dix-huit ans. Elle était si mignonne, cette chambre… et la dame aussi ! Ça me changeait un peu du faubourg et de notre bric-à-brac. Là, je me couchais de bonne heure et de temps en temps ça me semblait bon. Mais jamais je ne m'étais demandé pourquoi Marraine m'éloignait… Marraine avait un cousin très riche qui voulait l'épouser !…

Marraine en revenant de chez la tante me dit: « J'ai réfléchi; si ça t'ennuie, n'y va pas… après tout !
— Ça ne m'ennuie pas du tout; je vais apprendre le commerce. Il n'y a que ça que je n'ai pas appris ! Et me voila partie. J'arrive il n'y avait là qu'une petite bonne de la campagne qui en effet ne convenait pas dans le commerce.

Cétait une belle boutique de chemiserie masculine, cravates, mouchoirs, etc… La clientèle était surtout faite d'étudiants d'une grande école de Maisons Alfort. Ils me faisaient choisir leur cravate; enfin, c'était plutôt agréable. Le soir le "neveu", en arrivant de sa Belle Jardinière, constatait sur son grand livre que tout était en ordre et que j'avais fait pas mal d'affaires. J'étais contente et faisais de mon mieux. Je ne m'occupais que de la boutique, point de ménage, ni de cuisine. Je n'avais qu'à me mettre à table, J'étais la reine ! Moi qui n'avais jamais été malheureuse mais qui n'avais jamais davantage entendu de mots gentils, j'étais servie par le "neveu" qui s'appelait Monsieur Ribe et qui se montrait on ne peut plus aimable avec moi. En arrivant il me disait: « Bien, ça va ma chérie ? » Il me tutoyait. Moi je l'appelais Monsieur mais de m'entendre appeler "chérie", je ne puis dire ce que je ressentais… C'était si inattendu… Oh, j'avais une envie folle de l'embrasser. J'ai été bien bête de ne l'avoir pas fait. J'ai toujours regretté. Il était très bien d'allure. Il savait vous dire de si jolies choses. C'est comme ça que j'aurais aimé un homme. J'en entendais d'aussi jolies dans les pièces de Bataille, de Bernstein et dans les vers de Molière, Pierre Corneille… Et il n'y avait que dans ma vie à moi que je n'avais pas de ces mots si doux à entendre…

Aussi trouvais-je le temps long jusqu'au soir. J'aurais voulu que ça continue toute la vie. Un dimanche, il avait invité deux amis de la "La Belle Jardinière" à déjeuner. La bonne nous servait poulet, champagne. Mais je n'aimais pas ça: ils voulaient me faire fumer ! Oh! là là! ce n'était pas mon genre ! Ils sont partis le soir, après diner. Alors, Monsieur Ribe m'a enmenée faire un tour à la fête du pays. Au logis, nous montons nous coucher. Pas de petite bonne ! Je m'étonne. Il me dit: « Elle a voulu sortir, c'était son jour de congé… » Ah bon ! Je n'ai pas cherché plus loin. Non, vraiment, je n'ai pas pensé que j'allais rester seule avec lui, ni rien du tout. S'il ne m'a pas possédée cette nuit là, j'en suis encore bien étonnée. Il m'a portée dans son lit et ma foi j'étais contente d'être si près de lui. Enfin, j'étais heureuse ! Je ne peux pas l'expliquer; j'avais perdu la tête. Je n'étais que très heureuse d'être dans ses bras, et c'est tout. Nous n'avons pas dormi une minute.

Au petit matin il me dit: « Voilà! tu vas choisir un de ceux que tu as vu au déjeuner; tu leur plais et ils veulent se marier. Tu te marieras et moi, je te garderai toujours: tu seras ma maîtresse. Quand il fut parti, je dis à la bonne, qui était déjà là au déjeuner du matin: « Je sors; je vais aller voir ma Marraine… » Tout naïvement, pour lui demander si cette combine était imaginable. Naturellement je n'ai pas donné de détails à la bonne. Je pensais revenir ouvrir la boutique dans l'après midi… Cependant, lorsque je mis Marraine au courant de tout çà , elle me demanda, interloquée: « Vas-tu t'expliquer un peu mieux que ça ?
— Non je ne sais pas quoi te dire… »
Et nous voilà précipitées chez le docteur qui constata… que j'étais vierge. Je n'ai jamais vu Marraine aussi heureuse et rassérénée.

Elle pleurnichait. « Oh ! ma pauvre petite fille mais tu ne connais pas mon calvaire, à moi, qui aie dû te cacher à ta naissance. Je suis ta maman ! Je ne veux pas que tu sois malheureuse comme je l'ai été… » Et depuis ce jour, elle n'eut plus dans la tête que l'idée de me marier. J'en ai vu des jeunes hommes, des blonds, des bruns… Nous connaissions beaucoup de monde. On organisait des thés, pour se voir et se connaître… Mais moi, désormais, j'avais aimé… Alors, c'était bien difficile de me complaire. J'en fus malade ! Je ne mangeais plus et pourtant je voulais oublier.

Nous étions parties chez Claire, à Argenteuil. Il était venu m'y rechercher… Mais moi, j'ai eu la force de ne pas me montrer, de ne pas le voir… Et il a du être bien mal reçu car nous ne l'avons jamais revu. Naturellement personne n'a jamais rien su de cette histoire. C'était l'histoire de mon premier amour. Folle que j'étais, m'étant jurée de n'épouser que celui qui lui ressemblerait.

Pauvre Marraine ! Ma maman bien sûr ! Il y avait belle lurette que je le savais qu'elle était ma maman. Ma première "maman Planta" me l'avait dit, m'interdisant de le répéter… Car elle voulait, à présent, que Marraine me reconnaisse légalement. Elle avait ça dans la tête. Or, il y avait à côté de leur maison, rue des Epinettes à Vierzon, une jolie propriété habitée par une veuve qui avait un fils. Il était aux colonies, secrétaire d'un consul, je ne me souviens plus lequel… de Montévideo, je crois. Il venait cette année-là passer quelques mois de vacances en France…



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À SUIVRE. SITE EN CONSTRUCTION
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23 mars 1881 Opéra de Nice
Bref extrait du site à consulter:
— Site Opéra de Nice

(Double-cliquer ce lien pour y accéder)  Historique du théâtre de Nice « (…) Théâtre des Seigneurs de Maccarani à l'incendie de 1881. Le petit théâtre en bois de 1776
La Marquise Alli-Maccarani obtient d'Amédée III, Roi de Sardaigne sous la juridiction duquel vit le Comté de Nice, l'autorisation de transformer son ancienne maison d'habitation en théâtre. Ainsi, le petit Théâtre Maccarani, (…), s'élève-t-il au XVIIIe siècle sur l'emplacement de l'actuel Opéra. Aménagé en 1776, tout en bois, sa façade nord s'ouvre sur la ville et sa façade sud sur les remparts du Quai du Midi, aujourd'hui Quai des États-Unis.
Les travaux pour un Opéra neuf en 1826
En 1826, la Ville de Nice rachète le Théâtre (…) et décide de le raser pour construire un grand opéra dans le style italien, sur l'emplacement de l'ancien. C'est Brunati, architecte de la Ville et Perotti, architecte turinois qui conçoivent un édifice (…).
L'Opéra devient Théâtre Municipal en 1870...
I88l : le drame: Le mercredi 23 mars 1881, pendant l'ouverture de "Lucia de Lammermoor", tout bascule dans l'horreur, en quelques minutes. Une explosion de gaz, le rideau s'enflamme, les lampes s'éteignent. l'obscurité se fait dans les couloirs et c'est la panique. Un terrible incendie, dû vraisemblablement à une fuite de gaz au niveau de la rampe de scène, détruit entièrement le théâtre.
[ Nb CJ: 10 février 1881 c'est la date de naissance que Lucie Helvert-Delaunay indique dans son autobiographie. Voir la note 1-1 ]


23 mars 1876 Opéra de Nice Dans Wikipedia
L'opéra de Nice en 1876 (Src Wikipedia) brûlé en 1881.

Bref extrait du site à consulter:
— Site Opera de Nice dans Wikipedia
(Double-cliquer ce lien pour y accéder)
Bref extrait des articles de Wikipedia: « En 1871, il devient Théâtre municipal, et le 23 mars 1881, un incendie le détruit entièrement7 alors qu'est donnée une représentation de Lucie de Lammermoor8. Cette catastrophe fait deux cents victimes à qui l'on consacre un monument en forme de pyramide à l'entrée du cimetière du château8,9. Dès 1882, la municipalité d’Alfred Borriglione décide de reconstruire et d’agrandir un nouveau théâtre sur les cendres de l’ancien. Les plans sont réalisés par l’architecte François Aune et validés par Charles Garnier. L’architecture extérieure est inspirée d’un style dit éclectique, et à l’intérieur la grande salle disposée en fer à cheval est luxueusement décorée et ses dimensions sont spectaculaires, dix-neuf mètres de large sur vingt-trois mètres de long. La fresque du grand plafond, représentant un ciel mythologique, est réalisée par le peintre Emmanuel Costa. Le nouveau théâtre municipal est inauguré le 7 février 1885 avec Aïda de Giuseppe Verdi10. En 1902, le théâtre municipal devient l’opéra de Nice. »


23 mars 1876 Opéra de Nice Dans le Site des Pompiers
Site des Pompiers: Les théâtres incendiés (Raymond Lopez)
Accéder au très intéressant Site des Pompiers par Raymond Lopez, Opéra de Nice 1881. Double-cliquer sur ce lien pour accéder directement à leur page de l'incendie de 1881. On y trouve des reproductions des gravures de l'hebdomadaire "Le Monde Illustré" n°1253 du 2 avril 1881; lequel avait fait souvent travailler Gustave Doré. Malheureusement, la définition des photos ne permet pas de lire les noms des dessinateurs et graveurs de talent qui ont produit ces témoignages si intéressants: Lucie Helvert-Delaunay aurait pu dire: « Voilà comme aurait été habillée Marraine s'il n'avait fallu me baptiser; voici le sort qu'elle aurait eu »…

Ou: accéder à l'ensemble du Site des Pompiers de Raymond Lopez

Bref extrait des articles de ce site:
1870 : L'opéra devient Théâtre Municipal
1881 : Mercredi 23 mars : Un terrible incendie, dû vraisemblablement à une fuite de gaz au niveau de la rampe de scène, détruit entièrement le théâtre. Cet incendie fait 63 morts
1882 : 7 novembre : La municipalité décide de reconstruire le nouveau théâtre sur l'emplacement de l'ancien et charge François Aune, architecte niçois, des plans de l'édifice.
1902, le Théâtre Municipal prend le nom que nous lui connaissons aujourd'hui: Opéra de Nice
				
Zoomez l'image: Placez l'image en haut, à gauche de votre écran (par l'ascenceur, à droite) et survolez-la avec la  "souris"; elle est "zoomée". Après une seconde, elle affiche sa légende qui s'efface quelques instants après.
Mise à Jour: 28 AVRIL 2014
www.henri-delaunay-pilote.fr, site en construction;
Merci d'être venu! - Les Créateurs…

Quelques sites présentant les avions de l'Aéropostale

— Site "Aéropostale"
— Site d'Henri Eisenbeis;
  — intéressant.

COPYRIGHT de CETTE PAGE

1.- Les textes de Lucie Delaunay sont soumis aux droits d'auteurs des ayants-droit: les héritiers de Lucie Helvert Delaunay. Les autres textes, pour ce qu'ils ont d'original, appartiennent aux concepteurs.

2.- Les extraits de l'ouvrage d'Henri Delaunay: "Araignée du Soir" appartiennent aux héritiers d'Henri. Les concepteurs, de ce fait, ne peuvent pas disposer de ces droits.
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Voir l'importante note ci-dessous pour les réclamations d'autres auteurs. Nota bene: Christian Jodon est un donateur de Wikipedia, une des meilleures et des plus positives œuvres d'Internet à ce jour… Surtout pour les mignons petits grimauds d'école !


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Nous n'avons pas eu, ici, la prétention de faire œuvre d'Historiens. Nous connaissons trop la responsabilité qui incombe aux Révisionnistes de tout poil, de tout bord, dans le Ressentiment qui constitue l'un des moteurs de l'Histoire, pour usurper leur grave fonction … Nous avons souhaité, avant de partir, mettre à disposition des passionnés les souvenirs d'Henri Delaunay que nous avons hérités et que, triant et répertoriant, nous avons trouvés lors du petit héritage, dans le grenier de grand-mère. C'était Lucie Delaunay, la mère affectueuse d'Henri qui avait, toute sa vie, cultivé tendrement l'amour de son "Riri".

QR = Qualité du Renseignement.
Ayant vécu toute une -déjà longue- vie, nous avions grandi à l'ombre d'Henri, autant que puissent, toutefois, le faire des vers de terre casaniers dans l'ombre d'un aigle géant survolant constamment la planète et ses continents …
Nous avons voulu tenter de "noter" la qualité des témoignages que nous formulons dans ce site. Difficile ! Nous décidons de donner aux documents écrits dont nous sommes certains pour en avoir tenu originaux ou copies jugées sincères, la note 20/20. Nul doute cependant que des renseignements donnés par une source puissent être simple recopie d'approximations trouvées dans une autre: nous discuterons, corrigerons si capables, ou livreront les variantes que nous connaissons (QR: 16 à 20/20). Les souvenirs familiaux seront cotés: "QR: souv.fam." de 10 à 20. Prenons l'exemple du nombre de traversées de l'Atlantique Sud faites par Henri: on trouve 108 (Ulmer) mais Lucie Delaunay nous a répété cent fois qu'il avait été recordman de l' Atlantique avec 110 traversées, chiffre qu'on trouve ailleurs. En livrant ce souvenir familial, nous croyons pouvoir le coter au moins: QR= 15/20 (souvenir corroboré d'autre part). Dans tous les cas, dans les articles tendant à établir des "faits" pour lesquels nous avons trouvé des indications externes à la famille, nous indiquerons la source. Nous placerons autant de liens que possible mais certains peuvent être labiles … Si quelqu'un a des remarques à faire, qu'il nous fasse l'amitié -au moins en souvenir d'Henri- de nous en glisser un mot au plus vite. Adresse provisoire: chris.jodon@orange.fr . Cf le "footer". Rassurez-vous: ça dit rien d'plus que: "pied-de-page"… mais ça en jette!

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Henri Delaunay 23 ans 1928

« L’intelligence ne vaut qu’au service de l’amour.»
A. de Saint-Exupéry "Pilote de Guerre"

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Henri Delaunay pilote, c'est qui ?

« Pionnier de l'aviation (23.864 heures de vol) le commandant Henri DELAUNAY est mort à Antibes; Nice-Matin Jeudi 4 Novembre 1965 (QR: 20/20 exemplaire du quotidien disponible). Pionnier de l'aviation, Henri Delaunay est mort mardi à Antibes où il s'était retiré. (Ndlr: mardi 2 novembre 1965). La carrière d'Henry Delaunay, né à Paris le 13 décembre 1904, est l'une des plus brillantes que l'histoire de l'Air puisse présenter à ceux qui s'attachent à en connaître les heures de gloire. Elle est faite de talent, d'abnégation, de courage. De talent, car il pilota dans les circonstances les plus dramatiques; de courage, car il alla toujours au-devant du danger sans le méconnaître; d'abnégation, car il sut se sacrifier pour sauver es autres. Le 7 mai 1928, alors que Delaunay vole sur la ligne de Rio de Janeiro-Buenos Ayres avec trois passagers à bord, le feu se déclare … » à bord de son Laté 26. Dans son récit "posthume": "Araignée du Soir", prix Guynemer 1968, HD raconte: « Tout est fichu ! …Le moteur s'empêtre dans ses bielles ! C'est devant moi, tout à coup, comme l'arrivée d'un tombereau de pavés dans un concasseur (…) ». L'incendie; il est provoqué secondairement par l'essence, mais d'abord par la panne d'huile qui entraîne l'explosion du moteur (Ndlr): Page 214: « Suspendu à mes mains dont l'intérieur est encore bon, je maintiens ainsi l'avion dans une spirale "vaseuse" de plus en plus semblable à une chute, mais qui rejette toujours les flammes vers la droite (…) ». Il pose l'avion, sauve trois passagers mais ses mains et une jambe sont brûlées … « Delaunay se retrouve sur un lit d'hôpital où il se répète les paroles de Mermoz : « Être adroit, fonceur, et surtout ne pas avoir la poisse... Les trois qualités exigées par le Patron... » (article de Gilbert Ganne - L'Aurore; 030768). À l'hôpital de Florianopolis, on parle d'amputer; mais un chirurgien allemand le sauve en portant des greffons de peau de la cuisse aux mains (QR: souv.fam. 15/20). Nice-Matin: « Après dix mois d'hôpital, il reprenait son poste de pilotage avec autant de courage qu'auparavant. Avant cette action, Delaunay avait, déjà à son actif une longue carrière de pilote. Il passa son brevet militaire pour ses débuts à vola au 2e régiment de chasse de Strasbourg et au 37e régiment au Maroc d'où il rapporta la croix de guerre des T.O.E. avec deux citations à l'ordre de l'armée et à l'ordre du régiment. Entré à l'Aéropostale le 1er janvier 1927, il se distinga sur la ligne Toulouse-Casablanca-Dakar puis, en 1928, en Amérique du Sud, où il fut le héros de la tragédie (…) relatée plus haut, et qui lui valut la médaille de première classe du Brésil (…). En 1931, il entre à Air Orient sous les ordres de Maurice Noguès et en 1934, il obtient le prix du pilote de ligne de l'Aéro-Club de France sur la ligne Damas-Saïgon. Affecté à Dakar en 1935, c'est avec Mermoz et Guillaumet qu'il se relaie pour assurer les traversées de l'Atlantique sud, ce qui représentait, à l'époque, un exploit sans cesse renouvelé » . (Ndlr: Henri sera choisi pour emmener Madame Mermoz (la mère) au lendemain de la tragique disparition de « Jean l'Archange » dans l'Atlantique (le 7 Décembre 1936) pour jeter la gerbe de fleurs sur le lieu présumé du naufrage de la Croix du Sud. Il succédera à son grand aîné sur la traversée où il atteint, avant l'armistice, le record de 110 passages. (QR 18/20 souv. fam. et multiple; ex: J. Ulmer, son bombardier de la RAF dit, dans "Icare n°38 été 1966": « 108 traversées (…) dont il détenait le record mondial d'avant guerre »).
Pilote de Guerre. Il s'était déjà payé quelques exploits au 37e régiment dans la guerre du Rif (1921-1926) où il était dévolu aux renseignements et approvisionnement des détachements avancés. Il s'engagea en 1943 dans le groupe Tunisie qui recrutait pour continuer le combat dans la RAF (Royal Air Force). Arrivé en Angleterre avec 11000 heures de vol et désireux de participer au combat des "lourds", il dut tricher sur son carnet de vol pour ne pas être affecté aux "rampants" ni aux convoyeurs; disant: « Je ne veux pas, un jour, avoir à rougir de ne pas avoir participé à la victoire en combattant ! » Et il achève son engagement sur 34 vols victorieux, décoré de la rare Distinguished Flying Cross britannique (18 août 1945 Nice-M). (QR: souv. fam 15/20 et J.Ulmer pour la citation, ibid).
Revenu en France avec les vainqueurs, Henri retrouve ses enfants, sa famille mais sans tarder, reprend sa place de commandant de bord d'Air France vers l'Indochine. C'est là qu'il connaîtra un autre héros de la bataille de France, son cadet et second à bord, André Duchange. Delaunay préférera ensuite piloter les DC3 sur le réseau de Madagascar où il était chef d'aéroport. (QR: 18/20 souv.fam. malgré des opinions différentes ailleurs sur les appareils pilotés). Lors de sa retraite (1958), il comptait 23.864 heures de vol; soit un millier de journées au manche à balai !



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